dimanche 31 octobre 2010

opération couperet


Pour un résumé complet de l'épisode précédent, lire l'épisode précédent qui précède celui-ci.

Hervé mira une fois de plus les affres de son voilier qui avançait difficilement aux alentours des 2,5 km/h. Pour éponger son chagrin, Hervé vida un paquet de Prainces tout chocolat. Une fois repu, il s'installa confortablement à son bureau, sorti d'un tiroir un cahier à grands carreaux neuf et un stylo à bille noir qu'il aligna délicatement sur sa table. Il caressa la couverture du cahier, puis dans une grande et paisible inspiration, l'ouvrit. Il saisit son stylo, prêt à griffonner quelques mots, mais sa tête se mit à tourner car, mon dieu, voilà bien quelques années qu'il n'avait pas écrit dans un cahier de papier, préférant clavarder sur son computer. L'angoisse grandissant en lui, Hervé fit valser son cahier et son crayon dans les méandres de sa chambrée, dans une respiration saccadée.
Remit de ses émotions, Hervé ouvrit le bloc-note de son ordinateur et tapa les étapes de son plan diabolique. Tout d'abord, il se dit qu'il devait connaître les identités des 162414 concurrents de la "route du Schnaps". Pour cela, il imagina qu'en s'infiltrant dans la base de données du site qui héberge la course virtuelle, il pourrait prétendre à découvrir les identités réelles de chacun et ainsi pirater leurs adresses ip pour télécharger illégalement de la musique et des films pour gripper leur vies privées afin qu'ils s'occupent d'autres choses que de leurs bateaux virtuels, laissant à Hervé, le champ libre pour parader jusqu'à la ligne d'arrivée.
Il frappa sur son clavier comme un damné pour noter dans les moindres détails l'architecture de son plan. Une fois fini, il le relit, et emmuré dans l'incertitude, Hervé mit en doutes ses capacités. Il y avait de quoi, car à part, allumer son ordinateur, clavarder avec ses cybers-amis et jouer à ses jeux mongoloïdes, Hervé, était une quiche en informatique. Il effaça son plan diabolique du bloc-note au cas où il tomberait entre des mains expertes qui pourraient l'utiliser à des fins personnelles.
Hervé se plia en quatre sur son lit, et réfléchit à ce qui maintenait l'univers dans sa cohésion la plus informatique possible. Et pour lui, il n'y avait pas à tourner autour du pot, c'était l'électricité. Sans celle-ci, comment ses concurrents directs pourraient-ils naviguer sur leurs cyber-voiliers? Hervé eu alors, une deuxième idée de génie, bien plus accessible que la première. Il allait faire disjoncter l'électricité de France.
Le lendemain matin, il mit en branle son "opération couperet". Il intercepta, à l'insu de sa mère, la facture de fin de mois du fournisseur d'électricité de sa bicoque. Et il continua ainsi jusqu'à ce que tombent les rappels de paiements qu'il subtilisa aussi discrètement qu'un Pape lâchant une caisse dans la salle à manger d'une demeure impériale de Castel Gandolfo.
Puis vint la lettre du fournisseur qui stipula que le compteur serait saisi et détruit devant toute la famille, pour l'exemple, le vendredi qui venait, en début d'après-midi. Il reconnut aisément la lettre car il y a avait tellement de timbres dessus, qu'on y discernait à peine l'adresse. Hervé s'arrangea pour que ses parents et sa sœur soient absents du domicile familiale à ce moment là.
Le vendredi arriva, et le camion du fournisseur d'électricité aussi. L'opérateur, la clope au bec, frappa à la porte. Hervé, caché derrière le rideau de sa chambre, n'alla pas ouvrir. L'opérateur, furax de rester dehors, défonça la porte et arracha le compteur qu'il jeta au milieu de la rue. Il alla à l'arrière de sa fourgonnette et en sortit un bidon d'essence sans-plomb 95. Il revint vers le compteur et l'aspergea.
Pendant ce temps, Hervé descendit de sa chambre, puis sortit par la porte de derrière, grimpa sur le toit du garage et se faufila comme une anguille vers l'arrière de la fourgonnette. Il monta dedans et se cacha entre deux tournevis.
L'opérateur finit de vider le bidon sur le compteur, et le posa à terre. Il tira une dernière bouffée de sa sèche et la jeta, incandescente, sur le compteur qui s'immola alors par le feu. L'opérateur contempla son œuvre un instant, les yeux plissés par la fureur du travail bien fait, puis retourna à sa fourgonnette. Il claqua les portes arrières sans jeter un coup d'œil à l'intérieur et démarra en trombe.
Hervé, dissimulé derrière les tournevis, jubilait. Son plan, jusqu'ici, était parfait. La "route du Schnaps" était à lui.

à suivre...

1 commentaire: