lundi 11 octobre 2010

évacuation


Pour achever en beauté son séjour indonésien, Rémi décida de se régaler une dernière fois de ses succulentes brochettes issues de la cuisine de la rue. Après en avoir ingurgité une bonne douzaine, il voulut rentrer se reposer à son hôtel et digérer son repas en toute quiétude.
Il descendit dans les sous-sols du métro de Jakarta, et attendit la correspondance qui l'emmènerait à Dukuh Atas, centre de la ville. Il sentit quelques tourbillons gastriques lui chatouiller les parois stomacales.
L'estomac en charpie, il grimpa dans le métro blindé de monde. Rémi dut rester debout, près des portes. Le transport démarra, et les vibrations de l'engin se propagèrent dans tout le corps de Rémi, n'arrangeant pas sa, déjà délicate, digestion. Les personnes qui l'entouraient, ignoraient son malaise, perdues dans leurs songes du qu'est-ce que je vais mettre demain pour aller bosser ou le poney Batak arrivera-t-il un jour à finir en tête d'un quinté. Parmi ses personnes, une, était en tout point différente des autres. Elle illuminait à elle seule, de par sa conscience supérieure, un wagon entier plongé dans l'obscurité. Trop investi dans ses tourments, Rémi ne vit pas cette personne, mais bon, je voudrais pas gâcher la surprise, mais ça n'allait pas tarder.
Soudain, le métro fit une légère embardée et freina tout sec, en urgence. Dans les haut-parleurs des wagons, une voix nasillarde déclama un message dont Rémi ne pipa mot. Vu l'agitation qui régnait dans le métro, Rémi comprit assez vite qu'ils étaient coincés sur la rame.
Il faut savoir, que ces arrêts d'urgences étaient assez fréquents. En effet, le réseau de transport ferroviaire de Jakarta était loin d'être terminé, certains tronçons restant encore inachevés. Et les coûts de construction étant plus élevés que prévu, la municipalité décida d'ouvrir au public les trajets accessibles, pour amortir les frais, aux risques de quelques désagréments.
En attendant, cela n'empêchait pas les gens de se ruer sur les portes mais, en vain, car elles étaient bloquées. Rémi était blanc comme un linge.
Une atmosphère moribonde suintait dans les wagons quand, tout à coup, une âme charitable, celle-la même qui, il y a peu, je vous le rappelle, illuminait à elle seule, de par sa conscience supérieure un wagon entier plongé dans l'obscurité, je n'invente rien, je cite, donc cette âme charitable, costard épaulettes, chemise grand col et santiags pointues, s'approcha de la porte et apposa sa main droite sur la poignée d'ouverture, en signe de bénédiction. Rémi, cramponné à la barre centrale, observa avec curiosité, l'inconnu se concentrer sur la porte. Et là, subjuguée par tant de bienveillance divine, la porte s'ouvrit en un pschhhhh angélique. Devant l'ensemble des passagers, béats d'admiration, l'inconnu fit claquer ses santiags et entama sa sortie. Puis un klaxon furieux résonna, et un métro, arrivant dans l'autre sens, faucha le prophète en un éclair.
Il faut savoir, que la Badan Perencanaan Pembangunan Nasional, agence de planification et de développement, tenait les citoyens, très peu au courant de l'avancée des travaux. À vrai dire, c'était même une sorte de tradition. Et donc, le fait que, sur un tronçon à deux voies, l'une d'entre elle soit terminée bien avant l'autre n'étonnait personne.
Personne, sauf le feu prophète, et Rémi, qui devant la violence fugace de l'évènement, en oublia qu'il était malade, et libéra un vent carnassier de son arrière train.
Par chance, personne ne remarqua l'odeur nauséabonde, qui s'échappa par la porte ouverte du métro.

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