mardi 26 avril 2011

les conseils culinaires de mamie Duracuire

C'est bientôt la fin de l'émission de cuisine "Pose tes mains sur la table!" présentée par mamie Duracuire. Elle sert à table son plat du jour, un ragoût de boa aux tétines de chèvres, puis enchaine sur la dernière rubrique.

"Passons maintenant au courrier des téléspectateurs.
beaucoup d’entre vous me demandent comment je fais pour ne pas chialer lorsque je coupe les oignons dans mon émission.
Si je demande l’assistance vidéo, vous constaterez que lorsque je m’occupe de l’oignon, je ne cligne pas des yeux et que surtout, je le fixe dans une position dominante pour lui montrer qui c’est la sergent-chef de la cuisine des Duracuire. Cela demande des années d’entraînement intensif, beaucoup de concessions et de sacrifices dans la sphère privative que vous, mauviettes, ne pouvaient qu’imaginer.
À votre niveau d’apprenti sous-fifre, je pourrais vous conseiller la célèbre méthode de vos grand-mères qui consiste à placer une allumette entre ses dents avant de couper l’oignon. Allez savoir, par une étrange alchimie, il paraît que les molécules de picozieuxis-chialus dégagées lorsque la lame pénètre dans la chair de l’oignon seraient dépourvues de leur atome de picus-picus quand elle rentrent en contact avec le bout de l’allumette, les rendant inoffensives. Enfin ça c’est de la théorie, de la branlette de chimiste parce que sur le terrain, la réalité est toute autre. Pour que ça fonctionne, il faudrait se fourrer toute une boîte d’allumette dans la bouche afin de créer un barrage extra-buccal et envoyer gerber les effluves sur les côtés. Mais vous savez bien mes petites mauviettes, que sur le terrain, il faut économiser le matériel. Alors ouvrez bien vos esgourdes parce que mamie Duracuire va vous dévoiler SON truc infaillible pour ne pas chialer quand vous couper les oignons. J’ai poussé le concept de l’allumette dans ses derniers retranchements.
Tout d’abord, vous allez préparer la zone d'action en mettant en place votre planche à découper, la quantité d'oignons nécessaires, et votre lame. Ensuite, vous vous carrez une allumette dans la bouche. Vous la serrez bien entre vos dents. Puis vous l’allumez, et sans cligner des yeux, vous saisissez votre couteau et vous coupez les oignons avant que la flamme ne crame vos poils de nez. Je peux vous assurer que vous n’aurez pas le temps de chialer.
Allez, à la semaine prochaine.

PS : j'arrive à couper un sac de 25 kg d'oignon avant que la flamme ne me touche la moustache. Saurez-vous faire mieux?"

Mamie Duracuire


Une photo dédicacée de mamie Duracuire coupant les oignons sans couteau.

mercredi 20 avril 2011

essence dessus. dessous.

Après avoir parcouru quelques cent kilomètres à une allure semi-vive, Roulio débraya pour s’engouffrer dans la zone de ralentissement qui menait à la station Shootal.
Pestant sur le prix du litre à 3 euros 97, il stoppa son véhicule à la borne, dévissa son bouchon d’essence, saisit le pistolet du sans plomb 98 et l’enfila dans le réservoir.
Tout en faisant le plein, Roulio épousseta la medal of honor qui pendait sur son T-Shirt des White Sox. Le compteur défilait. Le truc de Roulio, quand il était à la station, s’était de remplir son réservoir jusqu’à ce que ça déborde et qu’une goutte d’essence glisse le long de la carrosserie. Alors seulement relevait-il le pistolet et allait payer. Mais en ce moment, le compteur défilait encore et aucune goutte ne se pointait. 20, 30, 50, 70, 90, 120. Roulio venait de mettre 120 litres dans son réservoir et il ne semblait aucunement rassasié. Roulio arrêta de remplir, vérifia le pistolet et se mit de l’essence plein les godasses. Il se baissa alors pour regarder sous sa voiture. Il posa ses genoux à terre, et le pistolet toujours à la main, vit l’envers du décor.
Il recula soudainement, pétrifié, car sous son véhicule était accroché un enfant, engoncé dans pantalon bretelles, qui tripotait son réservoir. Roulio le braqua avec le pistolet d’essence et meugla un :
- Freeeeeeeeeze!
L’enfant tourna son regard vers Roulio et stupéfait, il lâcha prise, roula sous la voiture, du côté opposé à Roulio et s’apprêtait à s’enfuir quand Roulio tira sur le fil de la pompe au maximum et jeta le pistolet qui atteignit la tête de l’enfant. Ce dernier s’effondra.
Roulio fit le tour de son véhicule. Sur le sol bitumé, gesticulait, non pas un enfant, mais un homme de petite taille. Roulio venait de trouver un nain qui lui siphonnait le réservoir. Roulio regarda autour de lui, la station était déserte. Il traina le nain groggy dans sa voiture et s’y enferma avec lui. Il tira les rideaux pour plonger l’habitacle dans l’obscurité totale. Il menotta le nain et l’installa sur la banquette arrière. Roulio sortit de la boîte à gant une valisette en aluminium dont il extraya un étrange appareil ressemblant à un sismographe et muni d’un petit écran cathodique. Il fixa au bras, et au crâne du petit homme des capteurs sensoriels. Il sortit aussi une lampe de bureau qu’il braqua en direction du nain. Son allumage brutal réveilla ce dernier et l’aveugla un instant. Spécialiste des interrogatoires musclés, Roulio allait tirer les vers du nez de son chipeur de sans plomb.
- Qui êtes-vous et pourquoi siphonniez-vous mon réservoir?
- Je sais pas si on peut vraiment conjuguer ce verbe à l’imparfait, et si on peut vraiment parler de siphonnage...
- Répondez simplement à la question ou je vous détartre les chicots à coup de cent mille volts, dit Roulio en approchant sa main d’un boitier au design menaçant.
- Je m’appelle Bertrand Laroutourne et je vidais votre réservoir parce qu’on à piquer le sac à main de ma femme, balança le nain.
Les aiguilles du détecteur bougèrent à peine. Roulio persista.
- Je vois pas le rapport.
- On lui a piqué sur l’aire de Verdun.
- Mais c’est là où je me suis arrêté la dernière fois pour faire de l’essence. Vous me suivez donc depuis ce temps là!
Le nain suait et déballa son histoire.
- Oui... mais Non! écoutez dans son sac il y avait cb, chéquier et liquide. le réservoir de notre camping-car était à sec donc on a stoppé sur cette aire. Mais avant de faire le plein, on a été au pipi-room. Là, on s’est séparé. Je suis sorti l’attendre, adossé au camping-car parce que j’avais fini mes commissions avant elle, et voilà qu’elle me raconte ça. Au côté dames, ma femme à poser son sac par-terre dans les wc, elle a fermé la porte mais vous savez ce sont ses portes avec un jour pas possible en dessous et là, elle a vu une main passer en dessous et saisir son sac alors qu’elle était en plein effort pour larguer sa dernière roquette. Elle a rien pu faire.
Le nain eu un haut de cœur, et émit un bruit immonde qui dispersa dans l’air des vapeurs pétroléennes. Mais il continua son histoire.
- J’étais effondré, je nous voyais déjà finir notre vie ici, et c’est pas ce qu’on avait prévu, enfin et puis les gosses, il aurait fallut les faire changer d’école ou les faire bosser au camping-grill. Je m’effondrais par terre quand j’ai vu votre voiture, c’était d’ailleurs la seule. J’y ai vu un espoir vous comprenez. De quoi sauver ma famille d’une triste retraite. Alors j’ai foncé, me suis caché entre les bornes d’essences. Et profitant d’une seconde de votre inattention, j’ai roulé jusque sous votre voiture où j’ai percé votre réservoir. Blourp blourp. Je commençais à avoir suffisamment d’essence pour que l’on puisse au moins rentrer chez nous quand soudain vous avez démarré et enclenché la première. Je n’ai pas eu l’occasion de me détacher et j’ai vu ma famille courir après la voiture. J’ai échangé avec eux un dernier regard avant de disparaître à toute blinde sur l’autoroute. Bllllourrrp.
Roulio écoutait avec grande attention. Il ouvrit un peu la fenêtre côté passager pour aérer l’habitacle.
- Vous avez parcouru plus de cent kilomètres accroché sous ma voiture?
Le nain acquiéça.
- Mais l’essence vous l’avez mise où? Je n’ai vu aucun baril attaché à ma carlingue?
Bertrand tapota sa bedaine.
- Mais il a une capacité de combien de litres votre estomac puisque vous avez encore réussi à me siphonner 120 litres là plus je ne sais combien sur l’aire de Verdun?
- Verdun ça compte pas. Avec les remous et les aspérités de la route j’ai tout perdu. Donc on peut dire... on peut... bllllou...
- ça va?
- Bllllourp
Le nain fit non de la tête.
- Attendez vous allez pas gerber de l’essence dans mon habitacle!
Roulio ouvrit la porte et sortit Bertrand qui avait la main devant la bouche.
- Pas par-terre non plus! Je l’ai payé l’essence que vous avez dans le bide! J’ai peut-être une belle bagnole mais c’est pas pour ça que je roule sur l’or. Bougez surtout pas.
Roulio ouvrit son coffre à la recherche d’un bidon. Rien. Pendant ce temps, Bertrand piétinait. Roulio bascula dans son coffre pour en fouiller le fond et ne trouva qu’un entonnoir. Il s’en saisit, dévissa le bouchon de son réservoir et y enfila l’entonnoir. Il tira Bertrand mal en point.
- Allez-y rendez tout là dedans!
Bertrand ne demanda pas son reste et vomit l’essence dans le réservoir tout en fouillant dans ses poches. L’essence pissait sur le bitume et les groles de Roulio furent inondées.
- Merde la brèche!
Bertrand tendit alors un rouleau de scotch du surplus de l’armée que Roulio saisit. Il en arracha un bon morceau puis fila sous la voiture. Aspergé d’essence, il scotcha le trou gros comme une pièce de 2 euros puis se redressa, et s’ébroua.
Bertrand enfin, finit de transvaser l’essence de sa bedaine vers la voiture de Roulio. Il s’essuya les comissures des lèvres.
- Merci, dit Roulio, aletant, en tendant le rouleau de scotch.
Bertrand, la bouche pateuse, ne pouvant articuler un mot lui fit signe de rien.
Un silence s’abattit sur la station. Puis Roulio le brisa.
- Dites, ça vous direz que je vous paye votre lot d’essence.
- Bah je dis pas non mais c’est pour retourner auprès de ma famille...
- Je vous dépose si vous voulez.
- ça va vous faire un détour.
Roulio haussa les épaules.
- Ok. Mais vous n’avez pas de bidon pour transporter l’essence.
- Mais vous avez une bedaine, rétorqua Roulio.
Et tous deux se mirent à rire tandis que Roulio saisissait le pistolet et que Bertrand ouvrait la bouche dans une ambiance bercée par la musique de fin, un truc genre sting et que la caméra opérait un mouvement de travelling arrière et s’élevait dans les airs, révélant la highway au bitume foulé par une myriade de véhicules.

FIN


Roulio et Bertrand s'en jettent un petit dernier

mercredi 13 avril 2011

200 000 hautes-définitions

L’évolution de la langue française, si cajoleuse et "pourfendeuse" d'esprits obtus, connut sa période la plus aride au début des années 2000, lorsque les réserves de définitions de Vaux-en-Bas-Rein se tarir. Pelletées d’académiciens se sont cassés les os pour offrir un nouveau souffle à la langue de Molle-Hier et garnir les dictionnaires de nouveautés affriolantes, sans grand succès, jusqu’à ce qu’un visionnaire, dont on taira le nom, éructe une idée pas dégueu. Ainsi a été développé la période “American Dream” , proposant l’ajout d’américanismes tels que steak, ketchup, hamburger, cocacoola, john wayne, yyyyyiiah, boom, kapow, ziiiip et yes my lord sous prétexte d’ouverture au monde des yankees. Puis, devant la constante soif de nouveauté du public ils publièrent les définitions de la période “plus jeune que le jeune est notre devise”, déployant les ailes de la langue urbaine avec des mots tels que trankil, bi1 ou bi1, ouech, popopopop, anticonstitutionnellementmonQ, tepâ à la gnaisebolo, Zujé, Ieud, et kestuboa.
Avec l’arrivée de la haute-définition, le dictionnaire devint une industrie responsable au niveau d’exigence élevé. Ainsi, le bureau de recherche, développement et setupeurs de la langue française, nouvellement crée, prit au sérieux les besoins des consommateurs de mots et proposa, dans un monde où les gens suintent de stress et n’ont plus le temps d’avoir le temps de lire une histoire sur un blogue, de diminuer le temps de lecture sans modifier le contenu mais en améliorant le contenant. L’époque étant à la chasse aux kilos superflus, les mots furent allégés de lettres inutiles. Le premier à en faire les frais fut “raccourci”, considéré comme trop long. Il devint alors “racir”. A ne pas confondre avec “rassir”, qui devint “assi”, lui-même à ne pas confondre avec “assis” qui fut changé en “si”. Le “si”, contraire de non (à ne pas mélanger avec “scie” qui donna”sc”) fut changé en “i”, et la lettre “i” devint un “.”(point) Et le point tel que nous le connaissions, disparut. Et ainsi de suite.
Pour illustrer le propos, voici l’histoire de la semaine dernière, cobaye par excellence pour éviter tout souci de copyright, passé à la moulinette allégée :

Ss .. Grold gdruc st bs gt vkg i . e. vlage rec gce fdu . . scor
2 5 4 crc che sg ooh aaah brit frre mas gns sip .. !
gdruc jnal gce brt .. . . crs tip che bl.

Grold tbe frrebt che fme yx.

Grold ri pir vkg tt pi.

pa tl scrs sr fs.

Admirez l'efficacité du procédé.
Le temps d’adaptation d’une telle réorganisation littéraire - puisque la totalité des livres en rayon de supermarché ou de bibliothèque disparurent pour être remplacé par des homonymes moins épais ; et aussi le temps que l’ancienne génération réfractaire périsse pour laisser place à un renouveau planétaire dynamique - fut de vingt années.
Ainsi, aujourd’hui, tout le monde à tout vu, tout lu. Pareil qu’avant sauf que maintenant, c’est vrai.

exemple de raccourci qui n'a rien à voir.