dimanche 31 octobre 2010

opération couperet


Pour un résumé complet de l'épisode précédent, lire l'épisode précédent qui précède celui-ci.

Hervé mira une fois de plus les affres de son voilier qui avançait difficilement aux alentours des 2,5 km/h. Pour éponger son chagrin, Hervé vida un paquet de Prainces tout chocolat. Une fois repu, il s'installa confortablement à son bureau, sorti d'un tiroir un cahier à grands carreaux neuf et un stylo à bille noir qu'il aligna délicatement sur sa table. Il caressa la couverture du cahier, puis dans une grande et paisible inspiration, l'ouvrit. Il saisit son stylo, prêt à griffonner quelques mots, mais sa tête se mit à tourner car, mon dieu, voilà bien quelques années qu'il n'avait pas écrit dans un cahier de papier, préférant clavarder sur son computer. L'angoisse grandissant en lui, Hervé fit valser son cahier et son crayon dans les méandres de sa chambrée, dans une respiration saccadée.
Remit de ses émotions, Hervé ouvrit le bloc-note de son ordinateur et tapa les étapes de son plan diabolique. Tout d'abord, il se dit qu'il devait connaître les identités des 162414 concurrents de la "route du Schnaps". Pour cela, il imagina qu'en s'infiltrant dans la base de données du site qui héberge la course virtuelle, il pourrait prétendre à découvrir les identités réelles de chacun et ainsi pirater leurs adresses ip pour télécharger illégalement de la musique et des films pour gripper leur vies privées afin qu'ils s'occupent d'autres choses que de leurs bateaux virtuels, laissant à Hervé, le champ libre pour parader jusqu'à la ligne d'arrivée.
Il frappa sur son clavier comme un damné pour noter dans les moindres détails l'architecture de son plan. Une fois fini, il le relit, et emmuré dans l'incertitude, Hervé mit en doutes ses capacités. Il y avait de quoi, car à part, allumer son ordinateur, clavarder avec ses cybers-amis et jouer à ses jeux mongoloïdes, Hervé, était une quiche en informatique. Il effaça son plan diabolique du bloc-note au cas où il tomberait entre des mains expertes qui pourraient l'utiliser à des fins personnelles.
Hervé se plia en quatre sur son lit, et réfléchit à ce qui maintenait l'univers dans sa cohésion la plus informatique possible. Et pour lui, il n'y avait pas à tourner autour du pot, c'était l'électricité. Sans celle-ci, comment ses concurrents directs pourraient-ils naviguer sur leurs cyber-voiliers? Hervé eu alors, une deuxième idée de génie, bien plus accessible que la première. Il allait faire disjoncter l'électricité de France.
Le lendemain matin, il mit en branle son "opération couperet". Il intercepta, à l'insu de sa mère, la facture de fin de mois du fournisseur d'électricité de sa bicoque. Et il continua ainsi jusqu'à ce que tombent les rappels de paiements qu'il subtilisa aussi discrètement qu'un Pape lâchant une caisse dans la salle à manger d'une demeure impériale de Castel Gandolfo.
Puis vint la lettre du fournisseur qui stipula que le compteur serait saisi et détruit devant toute la famille, pour l'exemple, le vendredi qui venait, en début d'après-midi. Il reconnut aisément la lettre car il y a avait tellement de timbres dessus, qu'on y discernait à peine l'adresse. Hervé s'arrangea pour que ses parents et sa sœur soient absents du domicile familiale à ce moment là.
Le vendredi arriva, et le camion du fournisseur d'électricité aussi. L'opérateur, la clope au bec, frappa à la porte. Hervé, caché derrière le rideau de sa chambre, n'alla pas ouvrir. L'opérateur, furax de rester dehors, défonça la porte et arracha le compteur qu'il jeta au milieu de la rue. Il alla à l'arrière de sa fourgonnette et en sortit un bidon d'essence sans-plomb 95. Il revint vers le compteur et l'aspergea.
Pendant ce temps, Hervé descendit de sa chambre, puis sortit par la porte de derrière, grimpa sur le toit du garage et se faufila comme une anguille vers l'arrière de la fourgonnette. Il monta dedans et se cacha entre deux tournevis.
L'opérateur finit de vider le bidon sur le compteur, et le posa à terre. Il tira une dernière bouffée de sa sèche et la jeta, incandescente, sur le compteur qui s'immola alors par le feu. L'opérateur contempla son œuvre un instant, les yeux plissés par la fureur du travail bien fait, puis retourna à sa fourgonnette. Il claqua les portes arrières sans jeter un coup d'œil à l'intérieur et démarra en trombe.
Hervé, dissimulé derrière les tournevis, jubilait. Son plan, jusqu'ici, était parfait. La "route du Schnaps" était à lui.

à suivre...

vendredi 29 octobre 2010

cap vers la victoire


Hervé fit craquer les phalanges de ses petits doigts et pianota sur le clavier de son ordinateur afin de valider son inscription à la "route du Schnaps", course de bateaux virtuelle.
Il étudia les vents marins, leur évolution au cours des prochaines 12, 24, 36, et même 72 heures, paramétra avec minutie son cap au 285è degré et opta pour le choix judicieux d'une voile Spi.
Il valida et contempla son magnifique plan d'attaque se disant que si demain il n'était pas au sommet de la course dominant une flotte assoupie et fiévreuse, il n'y comprendrait plus rien.
Bonne nuit.
Le lendemain, Hervé sauta de son lit directement dans ses pantoufles aux semelles moelleuses comme une tranche de jambon enroulée autour du doigt de la reine mère, celui-là même avec lequel elle se récure les cuvettes du nez. Il sauta donc et bulldozera dans le bureau où il éjecta sa mère du poste internet. Les doigts poisseux et mouillés par l'excitation de se voir premier, il accéda à son bateau virtuel. Le chargement fut un peu long, ajoutant à la tension présente une bonne louche d'angoisse.
Hervé vit qu'il avait déjà perdu 8364 places. Il grinça des dents. Il afficha le classement et se liquéfia en apercevant son bateau, racler les fonds du tableau à la 162415e place. De rage, et ne contrôlant plus les muscles rachitiques de son corps nourris aux paquets de Prainces, il avala sa langue et s'étouffa.
Sa mère, qui était dans la cuisine en train de sectionner le cou d'un canard avec les dents, abandonna son ouvrage et bourlingua jusqu'au bureau pour aller à la rescousse de son enfant chéri. Une fois sur les lieux, ce qui ne lui pris pas plus de 24 secondes, elle le saisit par le col de son pull à capuche et l'emmène dans la salle de bain qui vient d'être libérée par sa fille coquète, après 45 jours d'occupation à se faire belle pour la soirée Halloween. Là, la mère plaque le dos de son fils contre son ventre tripotant, et usant de son savoir-faire appris aux cours du soir où lui est enseigné le secourisme haltérophile, elle lui presse le sternum de son bras droit et plonge la main gauche dans la gorge profonde et nauséabonde de son fils à l'agonie. Elle lui extirpe sa langue jaune et le lâche comme un sac de patates avant de retourner à son cou.
Hervé, ramassa son souffle et ses esprits. Il quitta la salle de bain pour aller s'enfermer dans sa chambre, bunker des enfers, où il décida de fomenter un plan ingénieusement fabuleux afin de conquérir la virtuelle "route du Schnaps"!

à suivre...

mercredi 27 octobre 2010

secret de cinéma


Haendel sortit furieux de la répèt' de sa Sarabande. Ces ploucs du philharmonique étaient incapable de nuancer leurs jeux. Pour se détendre, il grimpa dans son hélico pour sillonner les airs de New-York. Ce qui le relaxait par dessus tout, c'était de tournoyer autour de l'Empire State Building jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'essence dans le réservoir. Il fit donc quelques tours, mais sa tension ne daigna pas redescendre. Non, cette fois, il lui fallait un truc en plus. Il regarda dans le cockpit et vit une pomme, planquée sous le siège passager. Il la ramassa et décida d'aller la planter sur l'antenne de l'Empire State, qui transmet la totalité des stations de diffusion de télévision. Haendel fit trois petit tours pour juger un peu de la façon dont il allait planter sa pomme, puis, prenant son courage à deux mains, il fonça vers l'antenne. À son approche, il ouvrit la porte de l'hélico, se pencha à l'extérieur, la pomme à la main, et la planta de toutes ses forces sur l'antenne. Il reprit sa place à l'intérieur de l'hélico, ferma la porte et se sentit tout de suite mieux.

Un peu plus loin, en bas, Stanley Kubrick regardait un match de soccer. L'équipe qu'il supportait, était en bien mauvaise posture à la mi-temps, ce qui rendait Stanley d'humeur morose. Heureusement, la situation s'arrangea par la suite. Son équipe était revenue à égalité et Stanley sautait sur son canapé. Il en profitait, et il avait raison, car sa femme était partie chez sa mère. Bref, soudain, l'action s'intensifia à l'écran. Son équipe avait possession du ballon, et elle s'approchait dangereusement du camp adverse. Une passe, puis deux autres bien placée, et le buteur majestueux était en position pour tirer. Stanley ne tenait plus en place. L'attaquant frappa alors la balle avec toute la verve qu'on lui concédait puis... plus rien. La télévision n'affichait que de la neige. Stanley hurla et se précipita sur son poste. Il le roua de coup pour faire revenir l'image mais sans succès. Il s'arracha quelques cheveux, et regarda dans toutes les directions, comme fou.
Il sortit sur son balcon pour s'aérer et vit un hélicoptère tournoyer autour de l'antenne de l'Empire State Building. Il se dit, que peut-être il y avait un problème avec l'antenne d'où le souci de réception. Il alla chercher ses jumelles et observa la scène. Là, il vit, à l'intérieur de l'hélicoptère, un homme avec une perruque blanche qui souriait bêtement. Stanley avait déjà vu cette tête à la médiathèque, sur des pochettes de disques. Il voulut voir ce qui faisait sourire l'homme à la perruque, et aperçut alors une pomme plantée au sommet de l'antenne. Stanley devint rouge. Il retira ses lunettes et vit l'hélicoptère se poser près d'un bâtiment luxueux.
Ni une ni deux, Stanley se retrouva devant l'édifice. Il appuya sur la sonnette qui portait le nom de Haendel. Une petite plaquette disait qu'il ne fallait appuyer qu'une fois sur la sonnette, sinon c'est chiant. Stanley appuya une seconde fois.

Haendel, qui venait de se laver les mains au toilettes, reprit la répétition. La sonnette retentit une fois, puis une seconde, mais Haendel n'entendit rien.

Stanley, s'impatientant, défonça la porte d'entrée et se rua dans la salle de répèt'. Il se précipita sur Haendel et lui chiffonna sa perruque en disant que c'était de sa faute si il avait pas vu la fin du match à cause de sa putain de pomme. Haendel était confus. De nature docile et délicate, il réfléchit à une façon de se faire pardonner, sans en venir aux mains. Il calma donc Stanley et discuta un bon moment avec lui pour connaître un peu ses goûts, et lui faire un cadeau sympa. Il l'invita même à dîner le soir.
C'est au cours de ce repas, que Haendel offrit sa célèbre Sarabande à Stanley Kubrick, pour accompagner son célèbre Barry Lyndon, qui pédalait alors dans une semoule électropop tout à fait disgracieuse au pré-montage.

PS : la pomme plantée au sommet de l'Empire State Building devint tout aussi célèbre, puisqu'elle donna le mignon sobriquet de Big Apple à la ville de New-york.

lundi 25 octobre 2010

innovation


Un récent sondage a démontré que 72% des colis, pris en charge par le service postal, arrivaient dans des conditions plus que déplorables. Colis abîmés, boîtes arrachées, enveloppes déchiquetées, paquets croqués. Contenus cassés, broyés, visités, croqués puis recrachés. Et parmi ces 72%, environ 100% arrivaient hors des délais annoncés.
Ne voulant pas répéter le triste épisode de la non sans moins fameuse "Bataille de la boîte à lettre qui penche et qui ferme plus" qui fit, en Octobre de l'année d'avant avant, un nombre de victimes supérieur au total des RTT de tous les salariés du groupe additionnés, La Porste a décidé de remédier au problème en y mettant les moyens.
En effet, passionné de science-fiction, le directeur a mis en place, un système de livraison tout à fait novateur qui va remplacer, à effet immédiat, le système classique. Emboîtant le pas au tourisme spatial, La Porste, va maintenant envoyer ses lettres et colis en passant par l'espace.
Alors, le fonctionnement est simple. Prenons un exemple bête. Vous souhaitez envoyer à votre grand-mère qui aime les crêpes, une boîte de 6 œufs frais. Tout d'abord, vous devez vous rendre à votre Porste la plus proche. Surtout, n'emballez pas votre boîte! Ensuite, confiez là, à l'un de nos techniciens, qui va, en premier lieu désinfecter chaque œuf et vérifiez qu'aucun corps étranger, comme un cheveu ou une fibre de métal, ne se trouve sur la boîte. Ensuite, il va l'emballer dans environ, 7 mètres carré de papier bulle. Une fois bien enroulée, la boîte va être mise dans un caisson spécial dont le fond est tapissé de polystyrène. Une seconde couche de cette matière va être posée sur la boîte. Le caisson est alors fermé puis transférer à l'aide d'un bras mécanique dans une capsule spatial qui elle même, sera plus tard ajoutée à une fusée Ares I-X, venue tout spécialement des USA. Le temps de cette opération dépend de l'objet que vous voulez envoyer, mais en moyenne, comptez entre une et huit heures de travail. Mais pas de souci, pendant ce temps, profitez-en pour remplir les différents papiers qui vous seront présentés.
Maintenant, la fusée décolle, avec à bord, la boîte de 6 œufs pour votre grand-mère qui sera ravie de faire des crêpes avec. Une fois la fusée dans l'espace, elle larguera le module contenant votre colis. Ce module, va alors, être redirigé vers la planète Terre. Il pénétrera l'atmosphère frôlant alors les 1600°C pour aller s'écraser sur le perron de la porte de votre grand-mère, sur des emplacements prévus à cet effet : les "stationnements réservés à l'immeuble", emplacements uniquement destinés à la livraison de colis tient à préciser le directeur de La Porste. Votre grand-mère pourra alors ouvrir la capsule, pour récupérer les œufs.
Cette opération bien sûr, a un coût. Comptez entre 10 et 60 millions de dollars pour envoyer la boîte d'œufs par exemple.

samedi 23 octobre 2010

jour nuit


Harry avait depuis un moment beaucoup de mal à s'endormir devant la télé, perturbé par la lumière parasite des lampadaires de sa rue. Il avait au début pensé casser leurs ampoules. Et c'est ce qu'il fit. Il éclata chacune d'entre elles au lance pierre mais se fit coincer juste avant de détruire la dernière, par ses voisins, alertés par le bruit, bien que Harry, ait pensé à jeter un coussin après chaque cailloux lancé, pour étouffer l'impact. Harry avait été rattrapé par le chien du voisin qui le mordit là où ça fait mal.
Il faisait un soleil radieux et Harry, aujourd'hui, attendait de la visite. On sonna à la porte, et il alla ouvrir. Un vendeur de rideau pénétra chez Harry, s'installa dans son canapé, ouvrit son cartable et déballa son matériel avant même que Harry ait eu le temps de remonter sa braguette qu'il avait négligemment laissée ouverte.
Il s'assit à côté du vendeur et lui expliqua son problème. Le vendeur opina du chef et feuilleta son catalogue. Il s'arrêta à une certaine page qu'il montra à Harry. Ce dernier fit une moue intéressée. Il n'en fallut pas plus au vendeur pour, de suite, mettre en pratique les vertus de l'article de la page du catalogue : les rideaux occultant. Il déplaça la collection de shurikens de Harry pour pouvoir accéder plus facilement à la tringle et il les installa tout en disant à Harry qu'il ne serait pas déçu car aucune lumière le filtre à travers ce type de rideau.
Une fois mis en place, le vendeur demanda à Harry de se placer bien en face de sa fenêtre et de regarder au travers, la beauté d'un splendide soleil d'été. Harry fixa l'extérieur et ses yeux se mirent à picoter devant l'intensité de la lumière. Puis, soudain, le vendeur tira sur les rideaux, et en un instant, tout la maison se retrouva plongée dans une obscurité totale. Un vent de panique souffla dans le salon. Harry entendit un bruit sourd et un râle. Il voulut se déplacer mais se cogna le tibia dans la table basse et, de douleur, releva sa jambe si brusquement que son genoux percuta sa mâchoire inférieure et fit basculer Harry par dessus le canapé pour se fracasser le dos sur la desserte remplie de bouteilles, qui servait de bar. Allongé sur un lit de bouts de verre, Harry essaya de se détendre. Il attendit que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Mais cette dernière était si profonde que rien n'y fit. Harry se releva alors, et visualisa le plan de son salon dans sa tête pour repérer la fenêtre. Désorienté, il tâta d'abord les objets des environs pour savoir où il était. Une fois situé, il établit son plan de survie. La fenêtre n'étant qu'en simple vitrage, il n'aurait pas de mal à la briser pour enfin retrouver la lumière. Il prit un pas d'élan et sauta par dessus le canapé, marcha sur la table basse pour se précipiter, épaule en avant sur la fenêtre.
La vitre vola en éclat et Harry retomba sur son gazon, enveloppé dans le rideau occultant. Harry étouffa un instant, ne trouvant pas la sortie. Il s'épuisait, ses forces l'abandonnaient au fur et à mesure de son combat pour s'échapper de l'emprise du rideau. Puis, soudain, un mince rayon de lumière blanche lui redonna espoir. Et dans un dernier geste, il se libéra du perfide morceau de tissu occultant. La lumière du jour l'aveugla violemment. Il resta un moment allongé sur l'herbe, récupérant son souffle, et profitant de cette radieuse journée.
Un peu plus tard, il rentra enfin dans son salon pour dire deux mots à ce vendeur. Il le trouva vautré par terre dans une mare de sang. Harry s'emporta, et le foutu à la porte. Le vendeur s'écroula de tout son poids, face contre gazon. Harry vit alors sa collection complète de shurikens, plantée dans le dos du vendeur. Harry, fulminant, se jeta sur l'indélicat, le ceintura, et cria dans la rue, à qui voulait bien l'entendre : au voleur.

jeudi 21 octobre 2010

un village à la con


C'est un petit village charmant, bordé d'un rivière où l'on peut y pêcher la truite à poils ras, et le gardon esperluette sauce chabondelmas, détenteur de la médaille Field pour avoir prouvé par les mathématiques, que les poissons respirent sous l'eau.
C'est un village entouré d'une forêt de forets et mèches à bois, fort prisés par l'industrie du bâtiment, et notamment , les plus prestigieux entrepreneurs et constructeurs de circuits de formule un.
C'est un village doté d'une banque international typique du Nouveau-Mexique, dont on fait exploser le coffre à la dynamite mèche courte.
C'est un village qui comptait près de huit millions d'habitants au début du siècle, et qui maintenant, en héberge à peine une trentaine.
C'est un village qui se meurt.
Alors, pourquoi une telle descente aux enfers? La raison est simple ce Village s'appelle : viveraisenestragonaprèslaroutedeloisylegrandsurleperrondelaportedelamèreducassequichasseauprèsdesonfilleullamauditebellesœurquiestpartieaucouventpoursefairedéfriséealorsquetoutlemondesaitquelapauvreestchauve.
à ne pas confondre avec : viveraisenestragonaprèslaroutedeloisylegrandsurleperrondelaportedelamèreducassequichasseauprèsdesonfilleullamuditebellesœurquiestpartieaucouventpoursefairedéfriséealorsquetoutlemondesaitquelapauvreestchauve.
Un nom difficile à porter. Pourtant, il fut un temps assumé. Lors de la période prospère. Aux prémices de l'industrie, où tout se réglait de main à main, les yeux dans les yeux. Puis la demande s'est faite de plus en plus grande, les frontières ont explosé. Alors, il a fallu communiquer par courrier. C'est à ce moment que les choses ont dégénéré. Car, malgré l'installation d'une Poste flambant neuve, aucun courrier n'est jamais arrivé à viveraisenestragonaprèslaroutedeloisylegrandsurleperrondelaportedelamèreducassequichasseauprèsdesonfilleullamauditebellesœurquiestpartieaucouventpoursefairedéfriséealorsquetoutlemondesaitquelapauvreestchauve.
Alors les factures se perdaient en chemin, puis les rappels, ensuite les avis à tiers détenteurs, puis les mises en demeure, les procès. Mais aussi les lettres d'amour.
Avenirs brisés, entreprises ravagées, village à l'abandon.
Ils auraient très bien pu change de nom, me direz-vous. Mais, une loi ancienne, disposant d'un astérisque menant à une clause écrite en caractère 2 points signale qu'un village ne peut changer de nom qu'après avoir atteint un chiffre d'affaire équivalent aux nombres d'années d'existences du proprement nommé village multiplié par le total d'assurances-vies décernées au cours de l'antépénultième année fiscale en cours, ce qui donne en moyenne huit millions quatre-cent quatre-vingt-seize années révolues.
Ça fait long, vous en conviendrez.
Alors pour redonner un coup de fouet à ce village en perdition, la municipalité a décidé de transformer les boîtes postales, en dévidoirs de papier toilette à installer dans les gares.
Mais, à quoi bon, puisqu à viveraisenestragonaprèslaroutedeloisylegrandsurleperrondelaportedelamèreducassequichasseauprèsdesonfilleullamauditebellesœurquiestpartieaucouventpoursefairedéfriséealorsquetoutlemondesaitquelapauvreestchauve. les trains n'y passent pas.

mardi 19 octobre 2010

hommage


La neige. Cette surface immaculée de glace cristallisée, que l'on aime regarder tomber de ses hautes strates de l'atmosphère, où la vapeur d'eau se fait cajoler par le phénomène de condensation, avant de retomber en une myriade de petits flocons qui se déposent avec délectation, sur nos allées alors immaculées. La neige, formidable expression de la nature offre des perspectives d'avenir riches. Aujourd'hui, nous allons suivre Salomon Strapontinsky qui exerce un métier tout à fait passionnant, puisqu'il est pourfendeur de première neige. Mais, il me semble, qu'il sera plus à même de vous en parler. Cette émission est une émission enregistrée.

Alors oui bonjour, bon...euh...c'est bien là on entend je... ok. Bon alors oui, je suis pourfendeur de première neige. Alors donc, euh, concrètement ça consiste en quoi, eh bien, bah le mieux, c'est que je vous montre.
Donc, là, on vient de sortir. Il a neigé pour la première fois de l'année, et les gens pour l'instant, n'ont pas le droit de sortir en fait, parce qu'ils attendent que moi, pourfendeur de première neige eh bien, chaussé de mes skis, je fasse la première traînée dans la neige. J'aime à dire que c'est un peu comme à l'inauguration d'un nouvel édifice où les officiels coupent le cordon pour initié la naissance du bâtiment. Oui voilà, c'est un peu ça. Mes skis, c'est les ciseaux, la neige c'est le cordon, oui j'aime bien cette image.
Donc là...Non, surtout vous restez derrière moi...Oui voilà. Donc là, j'ai chaussé mes skis et c'est parti. Il y a un truc qui me plait moi, c'est d'entendre la neige craquer sous mes skis, c'est un plaisir solitaire. Là, ca me fait un peu bizarre parce que j'ai l'impression que vous violez mon intimité.
C'est un métier dans lequel on crée beaucoup de contact. Les gens, souvent sont aux fenêtres et ils m'encouragent. Ils me guettent depuis un bon moment et quand je passe, ils m'offrent un vin chaud ou des biscuits à la cuillère.
Faut savoir quand même qu'il y a un parcours très précis, je vais pas où je veux. Ce parcours est défini au mois de Juillet, suivant les points de côtes et les dénivelés en prenant aussi compte du nombre d'habitants. Alrs en général tout se passe bien mais des fois ça peut coincer. Une fois, il y a... pouah...ça fait...attendez...oui, non,ah! Oui c'était l'année d'avant avant, où je me suis retrouvé nez à nez avec un stade olympique que je pouvais pas contourner. Et là, dans ces cas, bah, c'est le stade complet qu'on est obligé de faire sauter, sinon, les gens sortent pas de chez eux vu que j'ai pas fini mon parcours. C'est comme si que je coupais le cordon qu'à moitié, donc bah l'inauguration n'est pas totale vous voyez. Enfin, il y a pire, des fois c'est... ah bah voilà! tenez, qu'est-ce que je disais. Nous voilà bien. Un centre aquatique à traverser! Bon, je vais voir à l'intérieur vous...me suivez? Bon d'accord, je pense pas que ça gênera toute façon. Alors... Bonjour Madame, Salomon Strapontinsky, pourfendeur de première neige, je souhaiterais parler au directeur. Ah, il n'est pas là...Bon euh... c'est que je dois traverser le centre là. Oui aujourd'hui, oui. Vous avez pas des...ah si, des consignes, voilà. Alors.................. AH! On a de la chance, les skis ne sont pas interdits dans les bassins. Suivez-moi.

Malheureusement, Salomon Strapontinsky ne savait pas nager. Il a été incinéré avec ses skis à la chapelle de son village. Bonne nouvelle cependant car son poste est à pourvoir. Si vous vous sentez capable de supporter une telle responsabilité, postulez à l'adresse qui s'affiche en bas de votre écran.
À très bientôt pour une nouvelle émission de "l'avenir des risques du métier".

dimanche 17 octobre 2010

maturation


Je me suis réveillé en retard ce matin.
Correction. Ce matin j'étais très en retard puisque je devais préparer le repas pour mes voisins que j'avais invité à un moment où j'avais eu une poussée de sociabilité fugace. À dire vrai, j'avais aussitôt regretté mon geste. Mais vu qu'ils avaient tous accepté, je ne pouvais plus me rétracter.
Le rendez-vous était à midi, et il était 11h53.
J'ai sauté dans mon tas de fringue et me suis relevé tout habillé. J'ai grillé les marches dans l'escalier pour foncer, à travers la fraîcheur extérieure, dans la boucherie la plus proche pour prendre des steaks hachés afin de faire, vu le temps qu'il me restait, en plat principal, un œuf à cheval.
J'ai forcé la porte coincée du magasin. Le diling a retentit. À l'intérieur, juste un client qui profitait que la boutique était vide pour tailler une bavette de quinze mètres de long avec le boucher qui lui, ne semblait jamais rassasié. Pour rompre leur échange, j'ai toussoté légèrement. Un silence de plomb est tombé dans la boucherie.
J'ai pris mes steaks et la direction de la sortie. La porte, déjà difficile à ouvrir, l'était d'autant plus à fermer. J'ai voulu la laisser entre-ouverte, mais le boucher et le client, qui déjà, de l'intérieur, ne me lâchaient pas du regard, cette fois, étaient prêt à me farcir si je partais sans l'avoir fermée. J'évitais de la ramener et donc, j'ai posé à terre mon sac de viande pour pouvoir prendre la porte à deux mains. J'ai saqué dessus sous les regards bovins des deux compères. Elle a fini par se fermer dans un grand boum, puis un crac. Le crac venait d'au dessus alors, juste par curiosité, j'ai jeté un œil pour découvrir qu'une lettre de l'enseigne était légèrement délocalisée. J'ai dû, malgré moi, faire une mine contrainte, car le boucher et le client se sont dirigés avec virulence vers la sortie. En même temps, je me suis mis à reculer, un peu comme pour garder une certaine distance de sécurité. Finalement, vu que je la trouvais pas assez grande, j'ai couru. Le boucher et le client ont ouvert la porte sans soucis et ont désiré me prendre en chasse. Malheureusement, ils se sont pris les pieds dans mon sachet de steaks hachés que je n'avais pas eu le réflexe de récupérer avant de fuir devant mon forfait. J'étais pas prêt d'y retourner.
J'ai fait plein de détours pour être sûr qu'ils ne me retrouveraient pas. Il était 17h31 quand je suis arrivé dans ma rue. Ne voulant pas être confronté à mes voisins qui devaient être furieux que je les ai invité dans le vide une fois de plus, j'ai continué à marcher et suis passé devant chez moi sans m'arrêter. J'ai déjà changé treize fois d'identité pour brouiller les pistes, mais treize changements de locataire du même appartement en deux semaines, ça fait beaucoup. Un quatorzième virerait au louche.
Non, cette fois, il a fallu assumer. J'ai fait le mort.

vendredi 15 octobre 2010

déjà vu


Bobby attendait devant sa porte depuis quatre heures du matin. En pyjama et pantoufles, il guettait dans la rue, au travers de son œil de bœuf. Aux alentours de midi, alors qu'il s'était assoupi contre le bois de sa porte d'entrée, Bobby entendit le cliquetis de la boîte aux lettres. Il ouvrit la porte et bondit en direction du courrier, laissant au démarrage une pantoufle sur le perron. Il parcourut ses lettres, jetant sur la pelouse, les factures et autres courriers inutiles, puis revint dans son pavillon avec seulement une lettre en main.
Accoudé sur sa table de salon, il décacheta l'enveloppe, et lut, qu'après avoir traversé non sans mal les phases tumultueuses de sélections, il avait été désigné comme vainqueur du grand concours des miracles et avait bien mérité le super prix :

Pour sa femme Josy, une béatification de son vivant retransmise en direct à la télévision au journal de treize heures.

En effet, six mois plus tôt, sa femme avait passé l'aspirateur alors que cela ne lui était jamais arrivé au cours de leur trente-cinq ans de vie commune. Bobby s'était alors empressé de faire le témoignage de ce miracle sur le tweeter du Vatican. Et aujourd'hui, il était récompensé.
Le jour de l'émission, Josy toute pimpante, était très excitée de pouvoir bientôt palper les bras du Pape qui devait arriver d'un instant à l'autre.
Trente minutes plus tard, toujours pas de Pape. En régie, on commençait à s'affoler.
Puis soudain, le drame.
Un flash spécial perturba l'émission pour nous informer que le nouveau Pape, fraîchement élu, aurait été fauché par un train dans le métro de Jakarta après avoir ouvert des portes bloquées. Il aurait, selon quelques témoignages recueillis sur les lieux, fait quelques tests de béatification en s'entraînant sur les portes bloquées du métro. Ces dernières se seraient ouvertes, et le Pape, entraîné par le poids des bagues qu'il portait à ses doigts, aurait chuté en avant et se serait fait violemment emporté par des wagons qui arrivaient en sens contraire. Quant à savoir ce qu'il faisait à Jakarta au lieu d'être à Paris, la question restait sans réponse.
De retour en direct, dans l'émission, Josy pesta et fit un scandale à l'antenne. Bobby, rouge de honte tenta tant bien que mal de lui faire quitter le plateau mais elle lui asséna un coup dans le bas-ventre qui lui coupa le souffle. Josy défia alors le public et étala tout le monde d'une droite monumentale. Elle prit le contrôle du direct et fit un appel au don pour une association bidon. Beaucoup de gens répondirent favorablement à cet appel, et Josy fut multimilliardaire en 24 minutes et 13 secondes. Elle décrocha le téléphone et appela le Vatican. On la mit en attente. Pendant ce temps là, elle composa le numéro du Gouinness Book des records pour faire valider son statut de femme la plus rapidement riche du monde. Ce qui fut accepté, étant donné que les gens du Gouinness regardaient l'émission à ce moment là. Puis elle annonça au Vatican, qui venait de rompre l'attente, qu'elle achetait sa place en tant que nouveau Pape. On lui répondit que cela était impossible, mais quand elle parla d'argent, tout s'arrangea.

mercredi 13 octobre 2010

édition originale


Gonzague Vanderminimalismovitchk, artiste peintre, s'apprête à discuter, d'un tableau qu'il va bientôt terminer, avec son commanditaire, le non sans moins fameux, Duché Emmanuel de Geshairchmémaut.

- gnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn et voilà! C'est fini!
- Je peux...?
- Bien sûr. C'est vous qui payez après tout.
- ...
- Alors?
- ...
- C'est beau, non? On en reste sans voix, je comprends.
- eh bien je...
- Allez-y, j'accepte toutes les éloges.
- J'imaginais ça avec un peu plus de... et une pointe de...
- Cela ne reste qu'un détail.
- Oui c'est... Mais vous voyez, quand on parlait de heu... je ressentais plus...heu... comme une... juste après un... et en fait non je... pas trop tout compte... Non.
- Je ne copie pas monsieur, j'interprète.
- Ah ça c'est...! Vous êtes très...comment, pour sûr, je... non! Pas du tout.
- ...
- Ne soyez pas... non, faut pas.
- bah si, un peu quand même. J'y ai passé beaucoup de temps sur votre truc.
- Allons! Je ne vous... C'est pas un.. c'est... voilà, je... qu'on appelle ça... ça.
- Bon alors, j'en fais quoi?
- Vous pourriez peut-être faire des... plus dans des couleurs... un ton plus heu... qu'on sente que ça...Parce que là quand je regarde le... je reconnais pas ma... ça manque de... qu'on voit plus... heu... bon je sais pas moi, c'est vous le...vous... comment.... ce que vous faîtes.
- J'espère bien. Bon, à l'évidence, il manque sûrement un peu de...
- De quoi?
- Je vous montre! Il suffirait d'apposer juste une pointe de...comme ça voilà... pour relever.
- Je comprends pas ce que vous... faudrait être un peu plus... là hein. Non? Vous êtes un professionnel oui ou... alors.
- Regardez. Suivez mon pinceau. Là, un soupçon dans les tons...hop et par ici, avec le...voilà... on redessine... ainsi... pour mieux l'identifier du... hop là.
- ...
- Un problème? Je vous vois faire les yeux ronds.
- Moi non, mais vous... J'ai l'impression que vous manquez de... dans votre..., un peu. Le vocabulaire ça vous... non? ça vous dit rien? Chez vous, c'est...oulah! Y a un manque ça c'est... ouais. Alors, vous allez me... bon votre... vous c'est manuel. Genre, pas trop besoin de... avec les gens. Vous communiquez plus avec... et vos... Mais quand bien même! Il y a des... à pas franchir. Et puis non. C'est pas du tout ce que je... le tableau là, ça... non non.
- Bon eh bien vous savez quoi monsieur, vous allez finir le portrait de votre chien tout seul!
- Oh! Je vous ai... pour faire le... donc vous allez... quoi qu'il... le terminer! Sinon je...!
- Mais, j'en ai pas besoin de votre argent là! J'ai pas besoin de vous pour faire bouillir la marmite! Je peux trouver d'autres gens qui eux, comprendront et apprécieront mon travail!
- Quel...! j'en... là... c'est... vraiment...
- Donc gardez votre argent! Avec, vous pourrez sûrement vous racheter un dictionnaire, parce que le vôtre, non seulement l'édition doit être ancienne, mais en plus, il doit être bouffé par les mites!
- Vous... pfff. quand...je... c'est... allons...

Sur ces derniers mots, Gonzague Vanderminimalismovitchk quitte, fâché, le Duché qui réfléchit à la réprimande qui vient de le pourfendre spirituellement. Emmanuel de Geshairchmémaut est prêt à enrichir son vocabulaire et mettre en doute son comportement, hérité d'une longue lignée d'aristocrates qui se sont transmis, de génération en génération, un dictionnaire fatigué, mais riche en anecdotes, qui guide les pas de celui qui le possède et puis, finalement, il se dit que bon... c'est pas parce qu'il...que ça va faire que...ils le comprendront mieux.

lundi 11 octobre 2010

évacuation


Pour achever en beauté son séjour indonésien, Rémi décida de se régaler une dernière fois de ses succulentes brochettes issues de la cuisine de la rue. Après en avoir ingurgité une bonne douzaine, il voulut rentrer se reposer à son hôtel et digérer son repas en toute quiétude.
Il descendit dans les sous-sols du métro de Jakarta, et attendit la correspondance qui l'emmènerait à Dukuh Atas, centre de la ville. Il sentit quelques tourbillons gastriques lui chatouiller les parois stomacales.
L'estomac en charpie, il grimpa dans le métro blindé de monde. Rémi dut rester debout, près des portes. Le transport démarra, et les vibrations de l'engin se propagèrent dans tout le corps de Rémi, n'arrangeant pas sa, déjà délicate, digestion. Les personnes qui l'entouraient, ignoraient son malaise, perdues dans leurs songes du qu'est-ce que je vais mettre demain pour aller bosser ou le poney Batak arrivera-t-il un jour à finir en tête d'un quinté. Parmi ses personnes, une, était en tout point différente des autres. Elle illuminait à elle seule, de par sa conscience supérieure, un wagon entier plongé dans l'obscurité. Trop investi dans ses tourments, Rémi ne vit pas cette personne, mais bon, je voudrais pas gâcher la surprise, mais ça n'allait pas tarder.
Soudain, le métro fit une légère embardée et freina tout sec, en urgence. Dans les haut-parleurs des wagons, une voix nasillarde déclama un message dont Rémi ne pipa mot. Vu l'agitation qui régnait dans le métro, Rémi comprit assez vite qu'ils étaient coincés sur la rame.
Il faut savoir, que ces arrêts d'urgences étaient assez fréquents. En effet, le réseau de transport ferroviaire de Jakarta était loin d'être terminé, certains tronçons restant encore inachevés. Et les coûts de construction étant plus élevés que prévu, la municipalité décida d'ouvrir au public les trajets accessibles, pour amortir les frais, aux risques de quelques désagréments.
En attendant, cela n'empêchait pas les gens de se ruer sur les portes mais, en vain, car elles étaient bloquées. Rémi était blanc comme un linge.
Une atmosphère moribonde suintait dans les wagons quand, tout à coup, une âme charitable, celle-la même qui, il y a peu, je vous le rappelle, illuminait à elle seule, de par sa conscience supérieure un wagon entier plongé dans l'obscurité, je n'invente rien, je cite, donc cette âme charitable, costard épaulettes, chemise grand col et santiags pointues, s'approcha de la porte et apposa sa main droite sur la poignée d'ouverture, en signe de bénédiction. Rémi, cramponné à la barre centrale, observa avec curiosité, l'inconnu se concentrer sur la porte. Et là, subjuguée par tant de bienveillance divine, la porte s'ouvrit en un pschhhhh angélique. Devant l'ensemble des passagers, béats d'admiration, l'inconnu fit claquer ses santiags et entama sa sortie. Puis un klaxon furieux résonna, et un métro, arrivant dans l'autre sens, faucha le prophète en un éclair.
Il faut savoir, que la Badan Perencanaan Pembangunan Nasional, agence de planification et de développement, tenait les citoyens, très peu au courant de l'avancée des travaux. À vrai dire, c'était même une sorte de tradition. Et donc, le fait que, sur un tronçon à deux voies, l'une d'entre elle soit terminée bien avant l'autre n'étonnait personne.
Personne, sauf le feu prophète, et Rémi, qui devant la violence fugace de l'évènement, en oublia qu'il était malade, et libéra un vent carnassier de son arrière train.
Par chance, personne ne remarqua l'odeur nauséabonde, qui s'échappa par la porte ouverte du métro.

samedi 9 octobre 2010

b.a.


Le Baron de Lapicole dégaina son dernier verre de rouge, avant de s'effondrer parmi les cadavres de bouteilles, issues d'une cuvée exceptionnelle de 1978.
Il se réveilla seulement le lendemain matin, avec une tronche de parpaing tartiné d'une génoise de tessons et verre pilé. Les poils synthétiques d'un balai brosse lui chatouillèrent les narines. La bonne nettoyait de bon matin, les excès du maître de maison, et elle en avait gros sur la patate de toujours devoir balayer ses remugles, et détacher les tapis à l'eau gazeuse et au sel.
Sentant, malgré son humeur fumeuse, qu'il était de trop dans la pièce, le Baron s'éclipsa par la fenêtre, mais il avait oublié qu'il était au deuxième étage. Heureusement pour lui, le jardinier, un peu enrobé, taillant les rosiers juste en dessous, amortit sa chute.
Le Baron partit se promener en ville. Il acheta un bouquet de fleurs, afin de se faire pardonner auprès de sa bonne, à qui il en faisait voir de toutes les couleurs, il en avait conscience. Dans un cimetière, il se posa sur un banc, et fit le point sur sa vie. Il commença à réfléchir aux bonnes choses qu'il avait faites. Il pensa à son vignoble, puis, plus rien... Bon, il passa aux mauvaises choses, pensant qu'entre temps, des actes positifs referaient surface. Pour faire démarrer son vignoble, il piqua des pieds de vignes en pleine vendange, il pissa dans les cuves d'un viticulteur pour faire couler son affaire et la racheter à bas prix, fit passer une année calamiteuse pour un grand millésime en rajoutant de la cendre de Gitane Maïs dans les bouteilles. Pour cela, il faisait fumer Nadine, sa femme, qui n'avait jamais touché une cigarette de sa vie. Elle s'asseyait à une table, avec dessus, une cartouche de Gitane, un briquet. Un rail, sur lequel défilaient les bouteilles, passait juste devant Nadine qui crapotait, et devait taper la cendre de sa cibiche juste au dessus du goulot. La pauvre, mourut quelques années plus tard, emportée sous les roues d'une roulotte.
Le Baron, essuya une larme. La liste de ses méfaits s'allongeait. Pour racheter sa conduite, il décida de faire, pour une fois dans sa vie, une bonne action.
Il repartit donc en ville à la recherche d'un acte de charité. Soudain, il vit, sur la place, une camionnette du Don du sang. Ni une, ni deux, il fit la queue pour donner de soi. Il ne restait plus qu'une personne devant lui pour entrer dans la camionnette. Il était si près du but, que, trépignant d'impatience, il jeta un œil à l'intérieur. Les murs étaient jalonnés d'affiches vantant les mérites du don du sang. Il vit alors une personne assise sur une chaise, dans une fâcheuse posture. Un infirmier cherchait en vain une veine, pour y enfoncer l'aiguille, qui d'ailleurs, était impressionnante aux yeux du Baron. Une seconde infirmière maintenait la personne qui se débattait, tordue de douleur, jetant des regards noirs au bourreau qui déchiquetait son bras. La patiente se débattit encore, et l'aiguille, qu'elle avait planté dans la peau, se cassa. La personne tomba dans les pommes. L'infirmière la secoua violemment, pendant que l'infirmier, tant bien que mal, essayait de récupérer le morceau d'aiguille.
Le Baron était liquéfié. D'un côté, il voulait fuir. De l'autre, il tenait vraiment à faire sa bonne action. Il regarda une dernière fois dans la camionnette, où l'ambiance semblait s'être calmée. Effectivement, la patiente avait disparu. Le Baron se mit sur la pointe des pieds pour voir dans le fond du camion, et il vit l'infirmière traîner la personne pour la cacher dans les toilettes. Pendant ce temps, l'infirmier préparait le fauteuil pour le prochain.
Le Baron s'éloigna tout doucement de la camionnette, l'air de rien, puis couru, sans s'arrêter, jusque chez lui, ne voulant pas finir comme la pauvre bougre engoncée dans les toilettes. Refusant d'échouer si près du but, il réfléchit à une alternative pour donner son sang sans avoir à subir ces atrocités. Puis, lui vint une idée.
Il alla dans la cuisine chercher un fait-tout, un couteau, une bouteille de vin, un tire-bouchon, du désinfectant, un fer à repasser, puis, il alla s'asseoir dans le salon. Il ouvrit la bouteille et la but d'une traite. Ensuite, il brancha le fer, enleva son pantalon, grimpa debout sur la table, et plaça son pied gauche dans le fait tout. Il prit le couteau, et perça avec un diable de précision l'artère circonflexe médiale de sa cuisse gauche, laissant couler le sang le long de sa jambe. Le fait-tout fut vite plein, et le Baron eut tout juste le temps de cautériser sa plaie avec le fer, avant de tomber dans les vapes. Il se réveilla quelques instants plus tard, et jeta un œil dans le fait-tout. Il sourit, et alla chercher dans la cuisine, des sacs congélations. À l'aide d'une louche, il remplit une petite dizaine de sacs qu'il referma et plaça dans son congélateur. Demain, il pourra aller porter un sac à la camionnette, et accomplir sa bonne action, sans douleur. En plus, vu qu'il en avait d'avance, si jamais il était encore des remords sur sa conduite, il pourrait toujours se racheter en allant porter un nouveau sac. Quel génie!
La bonne rentra une heure plus tard, la mine sévère. Le Baron lui offrit son bouquet de fleurs, et elle en fut tout émue. Pour le remercier, elle lui prépara un bon rumsteack, accompagné d'une succulente sauce au vin rouge toute prête.

jeudi 7 octobre 2010

sur mesure


Henri VIII d'Angleterre sortit du Miniprix les mains vides, et raccompagné par deux vigiles peu enclin à la coopération.
Sa carte bleue avait été refusé lors du paiement, et n'ayant pas d'autre moyen de s'acquitter de son du, il s'était un peu emporté, en faisant décapiter à l'épée la pauvre caissière. Il avait de la chance quelque part car, elle était orpheline, donc la famille ne porterait pas plainte. Néanmoins, le magasin allait lui facturer un nettoyant-détacheur, et attention, pas un premier prix.
Il épousseta sa tunique et partit donc chez lui, réfléchissant à une manière d'annoncer les évènements à sa femme, Anne.

Arrivé devant chez lui, il vit qu'elle attendait sur le perron, impatiente, nerveuse. Il lui décocha son plus beau sourire, et la dépassa pour entrer dans la demeure. Elle le suivit du regard, les bras croisés, le front haut et les sourcils bas, puis étendit sa jambe de tout son long. Henri VIII s'étala sur le tapis bakhtiari et sa femme le chevaucha comme une furie, lui tira les cheveux en arrière, passa son bras autour de son cou et serra.
- Où sont les courses! Parle!
Là, Henri VIII regretta amèrement d'avoir offert à sa femme, pour leur anniversaire de mariage, un stage intensif au sein de l'IGIGPN, groupe d'intervention musclé, qui craque ses allumettes sur la barbe et fume des cigares gros comme des roulés de jambon d'York, après avoir sauté, en compagnie d'un prisonnier, d'un avion à plus de 5000 mètres d'altitudes, pour l'interroger en plein base jump sur les activités de sa société de climatisation.
Henri était donc en mauvaise posture.
- Gnnnaaaarf....
- QUOI! Crache le morceau ou je te perce un poumon! Où sont les courses?
- GNelégnaipas...
- POURQUOI!
- célacébéképapacé....arffff....
- Et t'avais pas de chèque sur toi! De liquide! Tu vas payer!
Elle lui arracha une touffe ahurissante de cheveux, créant ainsi une tonsure, dont Henri VIII ne se remettra jamais et qu'il essaiera en vain de cacher sous un couvre-chef. Pour l'oublier, il se consolera dans la consommation de sucrerie. Bref, pour l'instant, Henri VIII hurlait :
- RRRARAAAAAASASSAAAAAAAAALALLLELELLLOOOOOOPEPEPEE!
Soudain, leur fille de 3 ans, Sylvia, descendit les escaliers, attirée par le bruit infernal.
- J'espère que c'est pour me faire un beau cadeau d'anniversaire que vous faîtes autant de bruit. Sinon, je vous fait enfermer à la tour de Londres!
Sa mère la dévisagea. Henri VIII, coincé, ne put relever la tête.
- Et je rigole pas! Vous sortirez jamais! Maintenant, occupez-vous de mon cadeau!
Sur ce, elle retourna dans ses appartements. Anne lâcha son étreinte et jeta son mari dehors avec la mission d'aller chercher ce que de droit pour il savait quoi, à l'attention d'il savait très bien qui.

Henri VIII arpenta les rues, en détresse. Sa femme avait eu la merveilleuse idée de le faire piquer par une bête venimeuse juste avant de partir. Elle seule avait l'antidote, et elle ne lui donnerait que si il revenait avec un présent digne de sa fille. Il était aux aboies quand soudain, il vit un magnifique gros chien tout mignon qui attendait son maître devant un magasin. Une idée germa dans la tête d'Henri VIII.

Il revint à la maison, tout guilleret, ce qui parut suspicieux aux yeux d'Anne. Il lui montra le cadeau, elle approuva et lui donne l'antipoison. Puis, ensemble, ils préparèrent une fête somptueuse pour leur progéniture.

La plus part des invités étaient arrivés. Il ne manquait plus que la belle-mère, qui comme à son habitude était en retard. Mais Henri VIII se garda bien de faire un commentaire, ne voulant pas se faire griller les parties au tison par sa femme. Soudain, la belledoche arriva, en pleurs.
- Mais qu'est-ce qu'il se passe maman?
- AAAAhhh, c'est horribleebleblebebelbelbee!
Elle se fit plaquer au mur par sa fille. Henri intervint pour freiner les ardeurs de sa femme qui relâcha son étreinte.
- Mon chien tout mignon! Il a été dépecé comme un lapin de garenne!
Henri échangea un regard teinté d'interrogation avec sa femme.
- Allons, c'est pas grave maman, on t'en offrira un autre.
- Ce sera pas pareilblblblblblblbl.
- Mais si.
- Nonblblblblbl...
Anne la colla contre le mur et la souleva.
- MAIS SI!
Henri essaya de détendre l'atmosphère.
- BON! Si on passait à table!
Mais Sylvia intervint.
- NON! Mes cadeaux d'abord!
- Oui ma chér...
- MAINTENANT!
Henri VIII d'Angleterre, grimpa quatre à quatre les escaliers, pour aller chercher le cadeau de sa fille, caché sous le lit à baldaquin de leur nid d'amour, puis redescendit marches à cul. Au bas de l'escalier, il se releva, s'engouffra dans le salon où tout le monde attendait autour de leur fille Sylvia. Son père lui tendit le paquet qu'elle lui arracha des mains. Elle dépeça l'emballage et en sortit un magnifique veston sans manche en fourrure d'animal tout mignon. La belle-mère hurla à la mort. Henri VIII n'était pas sûr sur le coup que c'était bien son chien qu'il avait dépouillé, mais maintenant, il n'y avait plus de doutes.
- FUMIER! Reginald! Mon pauvre chienbblblblblbl!!
La tension grimpa d'un cran dans le salon, avec une belle-mère incontrôlable. Sylvia regarda la fourrure puis dit :
- C'est moche ce truc! je vais tous vous jeter dans la tour de Londres! Vauriens!
- Petite chieuse! C'est pas moche! c'est mon chien Reginald!
La situation dégénéra. Une bataille éclata.
Mais Henri VIII eu ce réflexe, qui fait encore cas d'école, de faire décapiter tout le monde à l'épée par ses gardes personnels, pour adoucir l'ambiance. Puis, dans un calme olympien, il récupéra la veste en fourrure de Reginald, des mains de ses défuntes fille et belle-mère, puis décida de s'en séparer en l'offrant, dédicacé, à une célèbre association combattant la maltraitance, qui fit mettre sous cloche le précieux vêtement.

mardi 5 octobre 2010

urinabilly


Il nous restait une heure, à attendre la correspondance qui nous ramènerait enfin chez nous, après 21 heures de voyage en train.
Assis depuis un moment sur l'unique banc du quai, je commençais à remuer sauvagement. J'en profitais pour aller uriner, m'étant retenu durant tout le trajet. Mon amie avait eu beau me dire d'aller dans les chiottes du train, je m'y refusais, de peur de me faire aspirer par la cuvette et éjecter sur les rails. J'avais déjà entendu parler d'un truc pareil, mais dans un avion. Je voyais pas pourquoi, ça ne pourrait pas arriver ici.
Donc, maintenant, je n'en pouvais plus. Je me dirigeais, sous le regard désabusé de mon amie, vers les toilettes de la gare. Arrivé aux portes, je m'apprêtais à faire jouer la cliche quand je remarquais un papier qui stipulait que la sainte clé devait être demandée au chef de gare moyennant la présentation d'un titre de transport.
Vingt minutes plus tard, je revenais avec la clé et l'introduisais dans la serrure de la porte, côté Hommes. Mais la clé refusa de faire un tour complet. Je forçais, sans succès, piétinant dans un style rockabilly devant la porte qui restait hermétiquement fermée. Puis, j'eus l'instinct de survie de lever la cliche, au moment où je tournais la clé. Je me précipitais vers les toilettes, vérifiant que le verrou de la cabine fonctionnait correctement, ne voulant pas être enfermé de l'intérieur.
Je fis mon affaire. Elle dura un certain temps et j'en profitais pour faire un rapide calcul.
Si on produit 1 ml d'urine par minute, que l'on a envie à partir de 300 ml et que la vessie peut contenir au maximum 700 ml avant d'imploser, on peut tenir environ 11 heures et une quarantaine de minutes avant d'évacuer. J'avais dû tout simplement battre un record en tenant plus de 21 heures. À moins que le fait de suer, ce soit comme si on urinait par la peau... Donc dans ce cas, mon record pourrait pas être validé. Faudra que je me renseigne en arrivant. En tout cas, pendant que je réfléchissais, j'avais cette musique en tête :

Yes i love you baby, i love, baby i love you,
Yes i love you baby, i love, baby i love you,
Yes i love you baby, i love, baby i love you.

Je me dis que c'était sûrement une sorte de mirage auditif dû à mon envie pressante. Maintenant que j'avais fini, je remontait ma braguette et tirait la chasse. La chanson continuait, et elle semblait bien réelle. Je collais mon oreille contre la paroi suintante. De l'autre côté, chez les Femmes, quelqu'un chantait. Un Homme.
Je sortis du côté masculin, et fis jouer la cliche de la porte des dames. Fermé. Je tournais la clé dans la serrure et eus un mal de chien à l'ouvrir. Je dus donner un grand coup de pied dedans pour l'entrouvrir seulement. Plusieurs coups d'épaules pour l'ouvrir en grand.
Une odeur de grenier irrita mes narines. À l'intérieur, tout semblait dater des années 70, et du carrelage au papier en rouleau, tout était intact. Au milieu de la pièce, un homme chantait et dansait sans plier sa jambe gauche. Soudain, il remarqua ma présence, s'approcha tout en continuant de se déhancher et me tendit une barre de chocolat. Je la pris par politesse et regardais la date de péremption pendant que l'artiste avait le dos tourné. 1971! Je toussais pour attirer son attention.
- La date est légèrement dépassée.
- Pourquoi? On est en quelle année?
- 2010.
Il continuait à chanter et danser.
- Déjà! Ça passe vite!
- Ça fait combien de temps que vous êtes là?
- Tu peux me dire tu.
- Oh, euh ça fait combien de temps que v...tu es là?
- Mmmmm...Bah trente-neuf ans!
Je le regardais avec des yeux de merlan frit.
- Mais... Vous êtes qui?
- Beh! Gene Vincent!
- Il est mort.
- Quoi! C'est arrivé quand?
- En...
Je jetais un coup d'œil à la barre chocolatée.
- He bien en 1971 en fait.
- ...
- Désolé.
- C'est génial vous voulez dire! Ils vont enfin me foutre la paix. À l'époque, j'étais criblé de dettes et mes créanciers me recherchaient activement. Ils m'ont retrouvé alors que je rentrais chez moi. J'ai réussi à les semer en m'enfermant dans les toilettes des dames, et n'ai pas osé sortir pendant un moment. Puis après j'ai perdu la notion du temps et je me suis méfié. Qui c'est, si ça se trouve ils m'attendaient encore là dehors. Donc je suis resté.
- Mais comment vous avez survécu trente-neuf ans dans des toilettes?
- J'ai fais un régime drastique. Je mangeais une feuille de papier toilette tous les trois jours. et buvais mon urine.
- Ouah c'est fort. Vous devriez écrire un bouquin.
- Tu crois?
- Pourquoi pas. Tout se vend.
Il se mit soudain à guetter à l'extérieur des toilettes. Je vis que son visage avait changé de couleur. Un doute m'habita subitement.
- Vous êtes sûr que vous êtes Gene Vincent?
- Évidemment! Écoutes!

Yes i love you baby, i love, baby i love you,
Yes i love you baby, i love, baby i love you
,
Yes i love you baby, i love, baby i love you
.

- Oui, il n'y a pas de doute possible.
- J'espère bien. Dis-moi... Ils... Ils sont partis?
- Qui?
Il jeta un regard à l'extérieur et simula un étranglement.
- AH! Oui c'est bon, il n'y a personne, à part mon amie.
- Elle fait pas huissier, comme boulot?
- Elle? Non, pas de danger.
Il exhala un soupir de soulagement. Puis il rassembla ses affaires, jeta son sac sur son épaule et sortit.
- Vous allez où?
- Je sais pas encore. Je verrais bien.
Il s'éloigna sur le bord du quai, passa à côté de mon amie qui lisait un roman. Il se retourna une dernière fois.
- Merci de m'avoir donné l'idée du bouquin gamin!
Puis il disparut.
Je restais planté là, devant la porte des toilettes, encore ivre de ma rencontre.
Puis je m'assis à côté de mon amie.
- Ça y est, tu as fini de pisser?
- Ah j'aime pas ce mot là.
- Oui bon. Et c'était bien?
- Ouais, j'ai rencontré Gene Vincent qui va écrire un bouquin grâce à moi.
- T'es sûr que c'était Gene Vincent?
- Évidemment! Écoutes :
Yes i love you baby, i love, baby i love you,
Yes i love you baby, i love, baby i love you,
Yes i love you baby, i love, baby i love you.

dimanche 3 octobre 2010

la roue tourne


Phacochère Astrologue, remontait la vallée en arborant une mine déçue, en cette fin de journée de printemps 1874.
Peu de temps auparavant, il avait pris en embuscade une diligence qui traversait un territoire malfamé. D'une flèche, décochée avec précision, il tua net le chauffeur. Il chevaucha sa monture, rejoignit la diligence, traînée par des chevaux devenus fous, maîtrisa les bêtes et fit stopper le convoi. Phacochère Astrologue, posa le pied au sol et ramassa une poignée de terre qu'il jeta en l'air. Au travers du nuage de poussière, il vit les étoiles se rassembler dans l'Obélisque du Loup Blanc, un signe de bonne prise.
Il fit le tour de la diligence, puis ouvrit une porte du véhicule. Il évita, de justesse, un coup de feu tiré depuis l'intérieur en se plaquant contre la paroi. Il saisit, à sa ceinture, son couteau d'ivoire, se rua à l'intérieur de la diligence et transperça la gorge du propriétaire du revolver, qui atterrit sur le sol. Trois personnes apeurées, restaient encore dans la diligence. Il s'apprêta à les faire descendre quand le véhicule se mit en branle. Les chevaux s'étaient remis en route. À l'intérieur, bousculé de toute part, Phacochère Astrologue eut du mal à contenir les occupants qui voulaient l'éjecter. Malgré tout, il réussit à enfoncer son couteau dans la poitrine de l'un, à en étouffer un autre de son bras puissant, et à briser les cervicales du dernier. Il en scalpa deux correctement selon ses dires, au vu du tumultueux voyage qu'il effectuait, puis acheva tout juste le troisième quand la diligence ralentit, puis finit par s'arrêter. Phacochère Astrologue regarda à travers la vitre et vit qu'il était arrivé dans une ville en pleine extension. Il fourra les scalps dans sa besace, et sortit du véhicule.
Il contempla la ville, qu'il trouva plutôt de bon goût d'un point de vue purement architectural. Il voulut en faire profiter sa famille et décida d'acheter une carte postale pour leur montrer. Il se dirigea donc vers un magasin, mais trouva porte-close. Il consulta les horaires d'ouvertures, puis regarda la grande horloge qui ornait le fronton de la banque. 19h05. Trop tard. À travers la vitrine, il vit de superbes cartes postales, ce qui lui mina un peu le moral. Le prix des cartes l'abattu encore plus. Il était tellement rare d'en trouver à un prix si bas.
Il regarda autour de lui. Personne en vue. Il contempla le ciel et vit la forme du Loup Blanc tendre vers celle d'un Chameau ou d'un Lama. Il eut du mal à faire la différence et pourtant, l'un était de bonne augure tandis que l'autre présageait de stopper toute activité instamment.
Tant pis, le tout pour le tout, il essaya de forcer la serrure du magasin. Mais l'alarme se déclencha, un bruit strident lui broya les tympans. Phacochère Astrologue détala comme un lapin, saisit un cheval de la diligence et déguerpit avant de se faire pincer. Tout en galopant vers la vallée, il maudit l'ère moderne qui se profilait à l'horizon. Ces cartes auraient remplies de joie ses enfants. Certes il allait ramener de beaux scalps qui serviraient au spectacle de fin d'année de ses rejetons, mais il ne put effacer ce rictus d'insatisfaction qui habillait son visage.

vendredi 1 octobre 2010

impitoyable


Lorsque André fait son café le matin, il aime prendre son temps. Il moud son grain au moulin à main, puis pousse le piston de sa cafetière en verre afin de libérer l'essence du grain torréfié . Ensuite, il le verse dans sa tasse préférée, va s'asseoir à la table du salon et le boit à petites gorgées, en contemplant la vue magnifique qui s'offre à lui, au travers de la baie vitrée.
Ce matin là fut pourtant différent des autres, car André cracha la totalité de son café sur la table en chêne, manquant de s'étouffer. Quelques secondes plus tôt, sa femme s'étonnait de le voir encore à la maison à cette heure-ci sachant qu'il devrait déjà avoir voté et être en train d'attendre à son QG le résultat des élections. La victoire était assurée, certes, mais ce n'était pas le moment de faire preuve de laxisme.
André consulta sa montre. Trente minutes de retard. Il bondit de sa chaise, eut juste le temps de déposer un baiser sur la joue de sa femme, et il était déjà dans la rue. Il appela son chauffeur pour qu'il passe le prendre instamment. Il l'informa qu'il commençait à avancer et qu'il n'avait qu'à l'attendre au coin de la grande avenue. André se mit en chemin. La pluie, elle, se mit à tomber. Il n'avait pas de parapluie. Son beau costume gris satiné allait être dans un bel état. Il accéléra le pas pour recevoir moins de gouttes sur ses habits, mais la pluie gagna en intensité. Bientôt, le trottoir fut trempé et luisant. André arriva au coin de la grande avenue, mais aucun véhicule ne l'attendait. Il patienta. Transit de froid, il ne pouvait bouger.
Soudain, il vit la voiture de son chauffeur ralentir à son niveau. Le chauffeur baissa la vitre, balaya le trottoir brillant du regard, puis repartir sans même s'arrêter. André hurla en direction de son chauffeur pour qu'il stoppe mais le bruit de la pluie couvrait ses paroles. La voiture fit deux ou trois fois le tour puis s'éloigna. André en était abasourdi. Quelques personnes le bousculèrent sans même s'excuser. Il bougonna, voulut mettre un pied devant l'autre pour avancer, mais il était comme figé dans un bloc de ciment. Son costume s'était comme solidifié. Il regarda ses jambes et crut un instant qu'elles avaient disparues. Sa vision s'adapta et il constata que le satin de son costume gris souris se confondait avec le trottoir luisant. Il était invisible aux yeux de tous! Quel comble pour un candidat au second tour des élections hexagonales. Il voulut crier pour manifester sa présence, mais une extinction de voix contrecarra ses plans. André souffrit en silence. Son téléphone sonna à plusieurs reprises mais il ne put jamais décrocher.
Il lui fallut attendre que la pluie cesse, que le trottoir sèche, puis que son costume sèche, pour qu'André puisse retrouver sa mobilité. Il était 20 heures. Il rentra chez lui à toutes blindes, la tête farcie d'interrogations au sujet des élections. Il ouvrit la porte avec fracas, fonça dans le salon où l'attendaient sa femme ainsi que ses conseillers, qui avaient rejoint la demeure familiale, soucieux de son absence au QG. L'agitation était au maximum car André avait gagné de peu - tout c'est joué à un vote près -, et son intervention télévisée était attendue impatiemment. André ne prit pas le temps de récupérer son souffle. Il fut immédiatement conduit à son QG. Durant le trajet, il put réfléchir à ce qu'il allait dire à ses citoyens.
Une fois arrivé, il traversa la salle emplie de journalistes, s'installa derrière son pupitre et déclara, comme mesure prioritaire de son programme, il insista lourdement sur ce point, que dorénavant, pour éviter de nuire à l'avenir de la nation, le port du costume en satin, tous coloris confondus, sera interdit. Et pour montrer qu'il ne rigolait pas, il se déshabilla, disposa son costume dans une poubelle en acier, emprunta des allumettes à une journaliste du premier rang, et enflamma ses habits de satin.
Il voulut quitter la salle, avec fierté, en caleçon-chaussettes, mais il fut plaqué à terre par le service de sécurité.
Aujourd'hui, André purge une peine de 15 ans de prison pour avoir attenté à la vie d'une cinquantaine de journalistes et mis en péril l'industrie textile.