mercredi 29 septembre 2010

le compte est bon


Je faisais mon jogging habituel en taxi. Je roule toujours pour 7 euros 64, somme que j'ai sur moi, en petite monnaie, compte juste, ni plus, ni moins, amassée dans une seule poche. J'avais prévenu le chauffeur, un nouveau venu, de mes lubies. Car, en règle générale, les débutants sont pris de peur devant l'audace de ma démarche de courir en taxi.
Je demandais à ce que le chauffage soit poussé au maximum pour ressentir l'intensité de la course. Ainsi, je pouvais m'asperger d'eau pour m'hydrater. Je jetais de l'eau sur le chauffeur en sueur, qui voulut ouvrir les fenêtres. Je me vis dans l'obligation de le ceinturer, pour l'empêcher de commettre l'irréparable qui ferait baisser mes performances. J'évitais quelques accidents en prenant le contrôle du véhicule du bout du pied droit.
Bref, la course se déroulait à merveille, malgré l'humeur néfaste du chauffeur.
Puis enfin, le compteur approcha du compte juste. À 7 euros 61, je prévenais le chauffeur qu'il fallait s'arrêter. Il chercha un endroit où stopper son véhicule. À 7 euros 62, il voulu ts'arrêter devant une sortie de garage, mais un véhicule en émergea. Le taxi poursuivit sa route. À 7 euros 63, il ralentit mais des voitures klaxonnèrent derrière.
Je commençais à transpirer abondamment. Je pressais ma bouteille d'eau pour m'hydrater mais elle était vide. Le compteur affichait désormais 7 euros 64. Je m'agitais à l'arrière et ordonnais au chauffeur de stopper immédiatement. Par chance, il put s'engouffrer sur un petit parking et écraser la pédale de frein. Mon visage s'enfonça dans l'appuie-tête. La voiture s'arrêta. Je relevais la tête et regardais le compteur qui affichait 7 euros 65. J'étais tétanisé. Le chauffeur se tourna vers moi. Je le dévisageais un moment, puis sortais avec assurance, de ma poche gauche, mes 7 euros 64 en petite monnaie. Je lui donnais en lui disant qu'il y avait tout pile le compte et quittais le taxi. Mais il m'attrapa le bras, voulant vérifier avec moi le total. Je lui dis qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter, car je cours toujours avec la même compagnie de taxi, payant à chaque fois, 7 euros 64. Il consulta alors sauvagement son compteur, puis me dévisagea. Il me maintenait fermement, mais je réussis à m'extraire de son emprise, lui laissant entre les doigts, mon protège-poignet empli de ma sueur.
Je m'éloignais alors du taxi en marchant à bonne allure. Mais le chauffeur sortit et me poursuivit. Ma démarche s'accéléra brutalement. Je distançais mon poursuivant qui hurla, à bout de souffle, qu'il me retrouverait coûte que coûte, pour arracher à mes doigts morts et refroidis, le maudit centime qui allait peut-être lui faire perdre son boulot.
Je m'arrêtais, essoufflé. Je voulus essuyer la sueur sur mon front, mais j'avais perdu mon protège-poignet durant la bataille. Je fouillais donc dans mes poches. Rien dans la gauche. Mais, dans la droite, je trouvais, non pas un mouchoir, mais une pièce d'un centime. Ma tête se mit à tourner violemment. Je regardais la pièce, abasourdi. J'allais faire demi-tour, mais le visage furieux du chauffeur me revint en mémoire.
C'est décidé, j'enverrai plus tard à ce chauffeur de taxi, un mot proposant un rendez-vous discret pour échanger la pièce contre mon protège-poignet. Il ne pourra jamais refuser.

lundi 27 septembre 2010

en progrès


Jean Geaihanver et Luigi Beaunepoare devisent à un comptoir. Jean n'a pas sa langue dans sa poche. Luigi, introverti et philosophe, a un cœfficient d'attention de 0,0001. Ça lui pose quelques problèmes dans son quotidien, et il a décidé de faire des efforts pour s'en sortir. Il fixe donc sa bière pour se concentrer.

- Je voudrais pas te le répéter cent fois. Alors ce coup là, tu m'écoutes, tu m'interromps pas, tu te concentres sur ce que tu veux, tu peux regarder ta bière si ça te chante, mais tu loupes pas une miette de ce que je vais te dire, ok? Bon j'vois que tu es ok donc, tu ouvres bien grandes tes esgourdes.
Le truc, comme je te l'ai déjà dit, c'est que je pourrais pas être présent demain pour le rendez-vous. J'ai un imprévu. Alors ce que je te demande de faire, c'est d'aller chez moi et de refaire toute la tapisserie. Tu verras, les rouleaux de papiers, la colle, les pinceaux et la table sont dans le salon à côté de l'horloge comtoise.
Si elle est encore là, tu diras à ma femme, que tu n'as jamais vue, mais tu ne pourras pas la louper parce que c'est la seule gonzesse qu'il y aura à la maison. Elle est gaulée comme une pompe à vélo qui aurait écumé les routes du Tour de France, et elle a des manies bizarres.
C'est depuis qu'elle a lu son fichu bouquin "Le retour à la modernité naturelle", elle conserve toutes les épluchures de légumes pour se faire des vêtements bio-dégradables à usage unique. Elle a commencé petit, avec de la lingerie et puis elle est directement passé à l'anorak et la combinaison de ski intégrale. Le pire, c'est que toutes ses copines en sont folles, alors elle en a fait un commerce qui lui rapporte des sommes indécentes. Tu la verrais maintenant la Madame, qui se trimballe avec ses colliers de fanes de carottes, et son manteau en poils de kiwi. Ça pue, c'est pas possible. Tous les soirs, elle invite des gens qui payent des millions pour avoir un châle en peau de patates. Et elle leur montre comment on fait! Elle est en train de foutre en l'air son business en leur donnant ses secrets. Mais bon, moi, je dis rien, elle me parle plus depuis que j'ai jeté mes épluchures de pommes à la poubelle. Maintenant, on fait chambre à part, elle dort sur un tas de compost. En même temps, tant mieux, parce qu'elle ronfle, c'est pas humain. Elle se met des spaghettis de courgette dans les narines pour se dégager les sinus, mais j'ai plus l'impression que ça les bouche. Faut la voir se mettre les spaghettis dans le nez, puis inspirer d'un coup pour les faire rentrer. Ensuite, elle se racle la gorge pour les faire ressortir par la bouche, et elle va se coucher comme ça.
C'est un vrai tue l'amour cette femme. Et maintenant sa lubie, c'est de se lancer dans les objets érotiques en compost. Bouh, rien que d'y penser ça me... Braargh... Bref, on est pas là pour se rendre malade mais plutôt pour que tu dises à ma femme, que j'ai gagné cinq ans de fruits et légumes en conserves à un jeu au supermarché, qu'on est pas prêt de racheter du frais, et que si elle me fait l'affront d'en acquérir, je lui bloque la CB, le chéquier, l'argent de poche et les dons en nature. T'as bien tout compris? Bon ok, allez, on m'attend, faut que j'aille récupérer les 854 palettes de conserves. Salut!

Jean quitte le bar. Luigi, seul, semble extrêmement concentré, comme si il se faisait une liste mentale des tâches qu'il doit accomplir. D'ailleurs, il sort un petit carnet et un crayon de la poche intérieure de sa veste pour les noter. Soudain, sa lèvre supérieure se décolle sèchement de sa lèvre inférieure :

- Regarder une bière sans la toucher, c'est une souffrance inimaginable.

samedi 25 septembre 2010

fairplay


Pavlov jouait au fléchettes dans la salle de repos, en pleine guerre froide, quand son nom rugit dans le haut-parleur.

- GKKKKRKRRRRKAAAAVVKVKVLLDSSFSOSOOSODVVVVFFFFFKSSSSS !!!

Il faut signaler, que le matériel n'était plus de première fraîcheur dans la salle de détente, malgré les multiples réclamations des Camarades qui avaient loupé ainsi, nombre de combats.
Pavlov, vu qu'il était seul dans la pièce, n'eut pas trop de mal à déterminer que c'était bien sa personne que l'on cherchait à joindre.
Il longeait le couloir pour rejoindre le bureau du chef.

- PSSSSST !

Il s'arrêta.

- PSST !

Il scruta l'obscurité. Un homme debout lui faisait signe de s'approcher. Méfiant, Pavlov hésitait. Mais l'homme debout, sorti de son trench coat, un objet de couleur rouge. Aveuglé par un élan patriotique, Pavlov s'avança. Il prit la canette rouge contenant une boisson à bulles de couleur marron, et la but. L'homme debout attendit que Pavlov ait fini, puis il lui enfonça dans le gosier un mentos, plaqua sa main sur la bouche et le nez de Pavlov pour le forcer à avaler et le maintint. Pavlov s'agita, son ventre gonfla dramatiquement, puis dans un bruit immonde, se vida de ses organes et entrailles sur les chaussures de l'homme debout.

Le chef vissait la dernière tête d'ogive de sa collection des éditions Atlas quand la porte de son bureau vola en éclats.

- AAH ! Pavlov ! Enfin, c'est pas trop tôt.

Le cadavre de Pavlov survola la pièce et s'écrasa sur le bureau. Et par un coquin hasard, juste au moment ou le chef relevait la tête, celle de Pavlov vint lui déposer un léger baiser sur les lèvres qui dégoûta le patron.

- Bouark ! Vous êtes vraiment dégueulasse. Il me semblait pourtant vous avoir dit que je ne mangeais pas de ce pain là ! C'est ça, bon, surtout ne répondez pas.
Le corps glissa du bureau pour s'étaler par terre comme un beau tapis persan.
Le visage collé à sa tête d'ogive, le chef ne vit pas l'homme debout s'approcher du bureau.

- Relevez-vous donc Camarade. Je vous ai pas fait venir pou...

Le patron fut interrompu par une odeur capitaliste caractéristique. Sans lever le regard, il tendit la main vers un tiroir où était rangé son pistolet. Mais l'homme debout, qui bon maintenant on le sait est américain, fit valser le bureau en pin massif, sorti une mitraillette, tira un chargeur complet dans les fenêtres et le plafond.
L'alerte générale retentit et toutes les troupes se précipitèrent dans le bureau du patron pour tirer dans tous les sens. L'américain fit basculer le bureau pour se planquer derrière et pouvoir discuter un peu tranquillement avec le chef, car après tout, il était venu pour ça. Les douilles pleuvaient.

- Je voulais vous dire... Vous êtes pas très discret !, hurla-t-il.

TATATATATACTACTACTACTACTAC

- Dites donc, vous pouvez parlez, vous les ricains avec vos grosses bagnoles !

TACTACTACTACTACTACTACTATACTACTACTACTACTAC

- Oh ça va ! Vous croyez que j'ai pas vu votre porte-clés Buick accroché à votre trousseau !

TACTACTACTACTACTACTAC

- Baaaah... C'est pas à moi, on me l'a donné et je l'ai mis pour pas vexer...
- Bien sûr...

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC

- Si j'vous ju....
- Oui bon, moi je suis pas là pour ça.

TACTACTACTACTACTACTAC

- QUOI !

TACTACTACTACTACTACTACTAC

- JE DIS JE SUIS PAS LÀ POUR ÇA !
-AH ! OK ! ALORS C'EST QUOI?

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC

L'américain sorti une photo de sa poche intérieure.

- Vous devriez être plus discret...
- Mère Patrie ! Vous avez raison ! Qui est responsable ! Que je le...

TACTACTACTACTACTACTATACTACTACTACTACTACTAC

- Tut, laissez tomber, j'm'en suis occupé. Choisissez des gars plus compétents que des champions de fléchettes la prochaine fois.

TACTACTACTACTAC

- Mais pourquoi vous faîtes ça?
- Beh ça n'arrangerait personne que cette guerre se termine. On s'amuse bien à se faire peur !
- C'est vrai qu'on se marre bien.

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC
TACTAC
TACTACTACTACTACTACTACTAC

- ...

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC
TACTAC
TACTAC

- ...

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC
TACTAC
TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC
TACTACTACTAC
TACTACTACTAC

- Elle font beaucoup de bruit vos mitraillettes.
- On a pu avoir que celles-là...

TACTACTACTAC

- La prochaine fois je vous ramènerai un catalogue
- Vous comptez revenir bientôt?

TACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTACTAC

- Ça dépend de...Oh pardon, excusez-moi, il faut que je réponde. Allô? Oui. Cet après-midi? Oui je suis libre. Où ça? En RPC? Ouais, ok, see you. Bon. Faut que je vous laisse.
- Déjà. Bon merci pour to...

L'américain se releva à toute vitesse, sauta par la fenêtre, plana dans les airs puis ouvrit son parachute et disparu dans les nuages épais.
Le chef le suivit un instant du regard, puis émergea de derrière son bureau et constata les dégâts. Son office était sans dessus dessous.
Ces américains, quelle classe, pensa-t-il, en tripotant son porte-clés Buick au fond de sa poche.
Il jeta un regard au sol et trouva son nouveau tapis persan tout à fait charmant.

jeudi 23 septembre 2010

pas bougé




Parent irresponsable ou tout simplement dépassé par les évènements, votre enfant vous fait des misères et ne cesse de vous pousser à bout en repeignant la cuisine avec de la pâté pour chat, en réchauffant le sus-nommé chat dans le micro-onde parce qu'il lui a donné son bain, en insérant du chloroforme dans vos pneus, ou tout simplement en vous dévisageant hargneusement de ses yeux de petit merdeux. Les plus éminents pédopsychiatres vous affirmeront que c'est un appel à l'aide, un manque d'affection. Que nenni. Le gosse est un fauteur de trouble dont il faut savoir canaliser le surplus d'énergie.
Et un monstre d'intérieur, voit son potentiel d'instabilité décuplé en société. Comment alors, évitez qu'il ruine votre réputation si durement méritée auprès de votre patron, vos amis, la famille? Comment ne pas couper les ponts avec vos relations, qui ne voudront plus jamais vous revoir, après que votre tornade de rejeton soit passée sur eux?
Ce sac est la solution. Facile à transporter, il tient dans une poche de veste, toujours prêt à être déballer. Votre enfant s'agite plus que de nature, maintenez-le d'une main ferme, tandis que de l'autre, vous saisissez le sac. soulevez l'enfant et glissez le dans le sac, que vous refermez aussitôt grâce à l'un des 87 nœuds disponibles dans la brochure qui accompagne le sac. Si l'enfant se rebiffe, mettez lui une clique sur le bout du nez. le sac, contient une petite capsule de gaz soporifique qui s'active au contact de l'enfant. Ainsi, il s'assoupit peu à peu. Son rythme cardiaque, ainsi que ses activités cérébrales sont ralentis. Le sac contient une réserve d'air relative, suivant si vous avez serré le sac peu ou assez fort. En moyenne, l'enfant peut tenir entre 1 et 12 heures avant d'avoir des lésions irréversibles.
Voilà, votre enfant maintenant est sage, et agréable à regarder.
Vous recevrez donc, moyennant un paiement de 25 euros, le sac, une brochure de nœuds, un pin's, et des autocollants à mettre sur la vitre arrière de votre voiture. Notre produit est fabriqué en France, dans la ville de Marcq-en-Barœul.

mardi 21 septembre 2010

forfait


Au kilomètre 214, Tarkovskarp courait sur l'autoroute 651 à contre-sens en sautant par dessus les voitures qui fonçaient sur lui. Il s'entraînait dur depuis des semaines en vue des championnats du monde d'athlétisme de Chikchikdoumdoum, catégorie 111 mètres haies.
Il sautait avec aisance au dessus des motocyclettes, des berlines trois et cinq portes, des coupés sports, des décapotables et des breaks, essence ou diesel. La difficulté augmentait avec les monospaces et les camionnettes. Le plus dur, c'était les poids lourds. Il avait essayé de les franchir, mais chaque fois, il se faisait choper le bout de la godasse et roulait boulé sur le toit du camion avant de retomber sur la route, avec juste le temps de lancer une impulsion pour sauter une voiture qui arrivait. Maintenant, il passait en dessous. C'était plus sûr. Il ne voulait pas commettre d'imprudence, et se blesser bêtement avant le grand rendez-vous.

Au kilomètre 203, la voiture sans permis se faisait course-poursuiter par un camion benne qui tractait une mini-pelleteuse. Le chauffeur de la voiture, respirant avec difficulté, poussait son engin dans ses derniers retranchements. Le camion benne ne se laissait pas si facilement distancer et son conducteur était on ne peut plus remonter, car jamais, on ne lui avait dit que sa glacière n'était pas du tout en accord avec les motifs de ses sièges en tissu. Il s'était certes emporté, en arrachant un poumon à son interlocuteur qui avait pris la fuite à bord d'une voiture sans permis, mais maintenant, il voulait s'excuser auprès de lui et lui demander conseil en décoration d'intérieur de camion. Il l'avait donc pris en chasse.
Le chauffeur de la voiture sans permis écrasait la pédale d'accélérateur mais quand il voyait les autres véhicules le doubler sans difficulté de chaque côté de l'autoroute, il avait l'impression de reculer.
Soudain, il vit un homme, assez athlétique, courir dans sa direction. Pour l'éviter, il sauta de sa voiture en marche et roula, en boule, sur l'asphalte. Le conducteur du camion benne, arrivé à son niveau, ouvrit la porte de son véhicule pour lui tendre une main que le chauffeur de la voiture sans permis saisit sans demander son reste. Le conducteur, pour le ramener à l'intérieur du camion, exerça un effort musculaire qui scia son humérus. Sous la douleur, il donna un coup de volant violent. Le camion se coucha et la glacière, placée sur le siège avant, non attachée, fut éjectée sur la route.

Tarkovskarp allait faire péter le chrono. Il se sentait fort, ses muscles répondaient au doigt et à l'œil. Une voiture sans permis s'approchait à une allure peu vive. Tarkovskarp pensait pouvoir la sauter sans souci. Mais le chauffeur quitta son véhicule. Tarkovskarp, saisi par l'évènement, sauta trop tôt. Une glacière, éjectée du camion benne qui suivait la voiture sans permis, heurta de plein fouet l'épaule droite de Tarkovskarp qui partit en vrille, et alla s'écraser sur le parking d'une aire d'autoroute, entre deux caravanes.

Le chauffeur du camion benne, amoché, cherchait sa glacière. Il l'aperçut à travers les flammes, dans le godet de la mini-pelleteuse. Il voulu s'extraire de son véhicule, mais sans succès. À côté de lui, le conducteur de la voiture sans permis, coincé, s'accrocha à ce qu'il pouvait pour se relever. Il agrippa l'allume-cigare défectueux et se brûla. L'allume-cigare atterrit sur un siège, enflamma le tissu, puis le camion explosa.

Tarkovskarp se releva avec difficultés. Il tâta son épaule douloureuse et ses genoux égratignés. Il souffrait, et dut faire une conférence de presse improvisée sur l'aire d'autoroute, devant les quelques voyageurs arrêtés, pour déclarer qu'il ne participerait pas aux prochains championnats de Chikchikdoumdoum, mais qu'il ne désespérait pas revenir au plus vite pour le meeting de Tintinjintin, dans quatre mois.

dimanche 19 septembre 2010

le jouet préféré des enfants


Il y a très très longtemps , la grande famille Cro mariait sa fille à ce voyou de fils Magnon.
Il y avait de l'électricité dans l'air sur le parvis de la cathédrale, entre les deux familles. La cérémonie n'avait pas encore commencé, les invités arrivaient au compte-goutte. Les enfants, grisés par l'évènement, couraient dans tous les sens, se mélangeant entre Cro et Magnon sans aucune animosité. Le frère du marié Magnon regardait la scène pensivement. Il avait fini ses études il y a deux mois, et inscrit au chômage, il était préoccupé par son avenir. Il avait des envies de start-up, et en avait touché deux mots à l'assistante du Bol Emploi qui lui avait bien fait comprendre que, houlala c'est pas si simple avec la mairie, et la déclaration à la chambre de commerce c'est trop compliqué. Il était donc barbouillé pour le mariage de son frère adoré. Et ce ne sont pas les autres filles de son âge de chez Cro, nippées comme des catins aux balconnets dégagés et aguicheurs, qui allaient le calmer.
Il observait donc, sans aucune arrière pensée, je tiens à le préciser, les mignons petits enfants en train de s'amuser. Leurs parents, avaient amené quantités de poupées et figurines articulées d'excellente facture. Pourtant, les enfants ne les réclamaient pas. D'habitude avides de montrer, comparer, même échanger un cours instant leurs jouets, ils préféraient shooter à tour de rôle dans un os de gros chat dans de grands éclats de rire.
Le frère Magnon réfléchit. Pourquoi acheter des jouets hors de prix qui allaient finir abîmés au fond d'un coffre à jouets, alors qu'un simple os trouvé devant une cathédrale peut combler les attentes d'une flopée de rejetons?
Il réfléchit, réfléchit, réfléchit, et enfin, quelques 10 ans plus tard, il montait sa première entreprise en face de la cathédrale, où il façonnait et vendait à bas prix des os aux formes audacieuses. Les affaires marchaient bien. Il était en tête des ventes depuis 34 semaines, loin devant Martel et ses poupées Zarbies.
Lorsqu'il devint trop vieux pour diriger son empire, sa descendance en prit les rênes et améliora la formule en inventant un jeu collectif avec 22 joueurs et un ballon.
27934 ans après la création de l'entreprise mère, Christophe Magnon, directeur, abandonna le plastique et le spongieux pour adopter le métal. Toujours en avance sur son temps, Christophe décida même de remplir ce cylindre de métal d'un liquide régénérateur d'énergie et d'idées folles. Deux sources de plaisir pour le prix d'une. Deux fois plus de consommateurs touchés, car une fois la canette bue par un adulte qui regarde un match de foot, elle est jetée négligemment dans la rue, puis récupérée par les enfants.

Aujourd'hui, la grande famille Filet, marie sa fille à ce voyou de Jules Magnon, petit-fils de Christophe Magnon.
La cérémonie vient de se terminer. Les enfants, grisés par l'évènement, courent dans tous les sens, et shootent dans une canette de bière écrasée qui fait un bruit pas possible. Jules, fraîchement marié, agacé par le bruit, résiste un long moment puis craque. Il attrape la canette, la jette à la poubelle et corrige chaque enfant qui ose s'approcher pour récupérer le "jouet".
Le lendemain, il abandonnera définitivement le métal bruyant et inventera la canette en mousse silencieuse, qui ravira les papilles et les oreilles de millions d'êtres humains.

vendredi 17 septembre 2010

sensible


Friedrich, jeune Munichois, réglait la cibi modifiée que son grand-père venait de lui donner.
Par le plus grand des hasards, naviguant sur les fréquences, il capta un signal fort étrange émanant d'une autre galaxie. Rien ne pouvant tromper l'absolue intelligence de Friedrich qui, à 15 ans à peine, avait écrit son cinquième livre sur l'astrophysique en musique, il reconnut distinctement et immédiatement, le son émis par un ordinateur à la mémoire pleine datant de mai 1958. Il ne fallut pas longtemps à Friedrich pour comprendre qu'il s'agissait en fait du Spoutnik-3, sensé avoir été mis hors-service au cours de l'année 1960.
Ni une, ni deux, il décida de rectifier cette erreur en faisant se désintégrer dans l'atmosphère, le satellite. Avec une aisance insolente, il modifia les coordonnées de navigation de l'appareil puis alla se préparer une tartine de noutella avant d'aller se baigner.
Friedrich se rendit donc à la rivière. Il étala sa serviette, se mit en maillot de bain, empoigna sa planche et couru dans l'eau. Il pataugeait comme un petit fou quand par un soudain hasard, un sifflement perça le ciel et vint s'écraser avec une précision diabolique sur l'os pariétal droit de Friedrich.
La carcasse d'un appareil, qui grosso-modo pesait dans les 1327 kg, gisait au milieu de la rivière. Un curieux s'approcha, et vit un autocollant avec marqué Spoutnik-3 dessus se décollait un peu, sur le flan gauche. Du bout du doigt, il effleura le collant pour le remettre en place.
Du bord de la rivière, la déflagration fut impressionnante.

mercredi 15 septembre 2010

trambouline


Jésus était très doué aux jeux de gratte-gratte. Un jour, même, il a gagné un voyage en Indonésie. Vu qu'à cette époque, il vaquait de petit boulot en petit boulot, sans réelle situation, il décida de claquer tout l'argent qu'il avait mis de côté, là-bas.
Le voyage en avion, Jésus l'appréhendait. Son médecin lui prescrivit de l'euphytose. Il prit la dose maximale et fit tout le trajet dans les toilettes, ce qui agaça tous les passagers qui auraient bien voulu se soulager. Ils tambourinaient tous sur la porte mais il n'ouvrait pas. Il était tout le temps la tête penchée au dessus du trône. Tant et si bien que, lorsqu'il tira la chasse par inadvertance, il fut comme aspiré dans la cuvette et s'accrocha in extremis au train d'atterrissage. L'avion atterrit, et tout le monde pu voir, par les hublots, Jésus, qui était déjà en train de chanceler sur la piste alors que la porte de l'appareil était encore verrouillée. Un miracle.
Surtout pour lui, car s'il était sorti en même temps que les passagers, il se serait fait corriger sévèrement.
Sur place, il acheta un guide touristique et se prit d'admiration pour le volcan de boue de Bledug Kuwu. Ne sachant comment y aller, il acquit les services de deux guides grassement rémunérés.
Ils le menèrent donc auprès du volcan. Jésus fut bouleversé par le spectacle qui s'offrait à ses yeux immaculés. Ces bulles de boue qui enflaient jusqu'à explosion le fascinèrent. Il eu une envie subite. Il laissa sur place ses deux guides et se précipita sur une bulle qui commençait à enfler et sauta dessus. Son faible poids ne fit pas crever la bulle qui enfla encore puis explosa, propulsant Jésus à quelques mètres de hauteur. Il s'écrasa dans la boue. Les guides allèrent le relever, inquiets. Surtout pour leur argent, car le malin, ne leur avait donné que la moitié du montant prévu. Les quelques touristes qui étaient là, applaudirent l'audace. Jésus avait une patate pas possible, et il réitéra son forfait. Une bulle se forma, il sauta en fosbury, rebondit un peu, puis explosion et propulsion. En plein saut, Jésus fit quelques saltos puis plouf. Nouvelles salves d'applaudissements. Il se releva à nouveau, titubant. Ses guides lui demandèrent d'arrêter mais il vit une bulle immense qui représenta pour lui, un défi de taille.
Il prit plus d'élan que d'habitude, courut à s'en arracher les poumons, exécuta un saut de l'ange et retomba sur ce dôme de boue qui émit une détonation assourdissante. Jésus s'envola et retomba en un “splach” assez écœurant. Les touristes applaudirent, mais voyant que Jésus ne se relevait pas, se précipitèrent vers la zone du crash.
Ses guides le désincrustèrent de la boue pour constater qu'il était inconscient. Un examen approfondi démontra qu'en fait, il était tombé dans un sommeil profond.
Quand allait-il se réveiller, personne ne le savait.
En attendant, c'est son beau-frère qui dut le remplacer lors de la Cène et qui donc, rompit le pain et but le pinard.

lundi 13 septembre 2010

négociations au 220


Hubert poussait sa voiture électrique sur le toit d'un immeuble en panne.
Il avait branché son véhicule, sur une prise secteur du 32e étage pour le recharger, et aller à son rendez-vous dans l'immeuble d'en face, mais avait fait disjoncter toute l'infrastructure.
Du haut de l'édifice inerte, Hubert jugea la distance à parcourir pour atterrir sur le toit d'en face.
Il mesura ensuite la rallonge de fil électrique posée au sol. Il arracha de ses gonds la porte d'issue de secours, et la plaça en guise de rampe sur le bord du toit. Il établit alors un plan découpé en trois phases :
1, il pousse la voiture très fort
2,elle grimpe la rampe, décolle et atterrit en face
3, grâce à la rallonge, qui relie toujours la prise secteur de l'étage 32 à sa voiture, il franchit le vide et arrive à son rendez-vous.

PHASE 1
Hubert fit craquer ses phalanges, s'étira un instant, cracha dans ses mains et les essuya sur son pantalon, parce que, après coup, il trouva cela assez répugnant. Il prit un peu d'élan et poussa sa voiture avec virulence.

PHASE 2
Atteignant une vitesse folle, le véhicule décolla. Hubert stoppa son effort juste à temps, les doigts de pieds dans le vide. La voiture vola avec grâce un instant.
Au sol, la rallonge de fil électrique se déroulait sans accrochage. Mais soudain elle vint à manquer. Le fil se tendit, la voiture revint sur ses pas, resta un moment suspendu dans les airs, puis entama une chute en arc de cercle. Hubert, pris au dépourvu ne sut que faire. Le fil électrique prit une décision à sa place en s'enroulant autour de son pied, le propulsant ainsi dans le vide.

PHASE 3
Hubert, dans sa descente, put apercevoir sa voiture fracasser les vitres d'un étage. Puis tout s'arrêta. Hubert, suspendu dans le vide, la tête en bas, regarda dans quel état était son véhicule. Le rétroviseur gauche était manquant et un clignotant était cassé. Qu'allait-il bien pouvoir dire à sa femme en rentrant ce soir ? En attendant de trouver une réponse, il chercha de l'aide.
Son regard se baladait sur l'immeuble voisin quand soudain, il vit un oiseau de ville qui voulait en finir avec la triste vie de pigeon. Enfin, c'est ce qu'Hubert put déterminer d'après le comportement dépressif du volatile. Ni une, ni deux, il tenta de le raisonner.

Pendant ce temps, au 32e étage d'un immeuble en panne, un stagiaire, chargé de trouver la raison de la surtension qui a entraîné la paralysie de la société, débranchait, une à une, les prises de la salle de travail. L'une d'entre elles, la dernière, fut assez coriace. Le stagiaire dut poser un pied sur le mur, ce qui d'ordinaire était formellement interdit, pour prendre appui. Et il tira, tira de toutes ses forces. Son pantalon en craqua mais il réussit à arracher la prise qui lui échappa immédiatement des mains comme un poisson visqueux fraîchement pêché.

Hubert négociait ferme avec le pigeon suicidaire. Il sentit une légère secousse qui le fit descendre de quelques centimètres, mais continua son combat pour la vie d'autrui. Il lança sa dernière tirade pour faire fléchir le pigeon qui cogitait sérieusement.
Puis, le fil électrique lâcha son emprise autour de la cheville d'Hubert, qui tomba, en chute libre, aux côtés de sa voiture. Hubert en profita pour rentrer dans son véhicule et essayer de la démarrer. En vain. Il passa la tête par la fenêtre et vit le pigeon s'envoler vers d'audacieux horizons.
Hubert eu à peine le temps de sourire.

samedi 11 septembre 2010

la dure loi du sport


Mise à l'amende par la World Curling Federation en 1983, l'équipe de curling du Brésil se doit de réagir.
On leur reproche surtout leur comportement sur le terrain.
Primo : de la glace, ils s'en accommodent très bien, et c'est tant mieux mais ils creusent, juste derrière le hack, un petit orifice capable de recevoir un cylindre imbibé d'alcool, plus communément appelé : bouteille de cachaça. Une petite lampée discrète après chaque point marqué ou raté n'a jamais foudroyé un joueur, ont-ils déclaré pour leur défense.
Secundo : après chaque point marqué, ils font quatre fois le tour des pistes en dansant et en jouant de la crécelle, torses nus, le maillot retourné sur les épaules, ce qui perturbe fortement les autres nations qui s'affrontent pour une place dans le tableau final. Le plus agaçant étant la glissade finale sur la piste, où ils prennent un malin plaisir à s'arrêter, pile dans "la maison", cette accumulation de cercles concentriques qui forment la cible, pour réaliser une pyramide humaine d'où, chacun leur tour, les joueurs brésiliens se jettent, puis glissade, plat ventre sur la piste, pour rejoindre la zone de lancé.
Tertio : ils vendent au public les grillades maisons qu'ils réalisent dans la salle des sports. La cause est justifiée, c'est pour payer un séjour en thalasso à leur mère à eux, parce que oui, dans l'équipe de curling du Brésil ils sont tous frères, certes, mais le curling est une science, et on est pas là, à la fête à neuneu.
Quatro : Sponsorisés par une célèbre boisson sucrée, ils ne cessent d'en déclamer le slogan à chaque instant de réflexion de l'équipe adversaire.
Cinquo : ils jouent à 5 au lieu de 4.
Sixo : ils leur arrivent de venir à une rencontre, deux jours après la date prévue.
Septo : ils griffent la piste en utilisant du matériel non-réglementé, un balai aux franges d'acier.
Huito : ils jouent avec des chaussures de foot.
Neufo, dixo, vingto, trento, la liste des reproches grimpe jusqu'au mille huit cent quatre vingt-tertio, donnant une image peu reluisante du curling outre-atlantique.
Dépitée, le Brésil disparaît pendant 5 ans.
C'est en 1988, que l'équipe du Brésil refait parler d'elle. Pour gommer son ancienne image de fanfaronne, elle arrive avec la ferme intention de la jouer sérieux. Pour cela, ils ont mis le paquet. Exit les à-côtés, ils se concentrent désormais sur le jeu dans sa plus profonde complexité, allant jusqu'à théoriser, écrire des essais et faire des conférences mondialement renommées sur ce sport. La WFC jubile et approuve leur réintroduction au sein de la compétition.
Leur premier match a lieu le 4 Octobre 1989. Tout le monde attend avec impatience l'arrivée sur la piste de cette équipe revenue d'outre tombe. Le silence tombe dans la salle du palais omnisport. Dans les vestiaires, les brésiliens se concertent une dernière fois, puis prennent le chemin des pistes de glace. Leurs ombrent, menaçantes, se dessinent sur la piste, tout le monde retient son souffle. Puis enfin ils se dévoilent, et la salle en reste bouche bée. Cette équipe, auparavant boudée et boutée hors des terrains, apparaît sous son meilleur jour, majestueuse, divine, dans un habit flamboyant, poilu, unique et renversant.
Les codes vestimentaires du curling auraient pu, ce jour, être à jamais bouleversés. Tout le monde était conquis. Le président de la WFC, était euphorique, prêt à rédiger de suite un nouvel article dans la sacro-sainte règle du curling concernant les obligations vestimentaires qui devraient se conformer au bon goût des brésiliens. Il était si heureux, il exaltait, il exaltait, il exaltait, puis du haut de ses 98 ans, exalta une dernière fois et tomba, raide mort, sur la carpette de son salon VIP.
Son successeur, un peu rétro sur les bord, fit stopper cette mascarade. Les brésiliens furent priés d'aller se changer, le public siffla un peu la décision, mais fit un triomphe à l'audace brésilienne.
Les matchs ont commencé dans une ambiance teintée de mélancolie. Puis la fièvre du sport a repris le dessus. Épique, la Russie remporta le trophée, et les brésiliens, grands perdants, rejoignirent leur mère patrie, anonymes aux yeux du sport.

jeudi 9 septembre 2010

hypnodécoration


- écoutez monsieur, je sais ce que je veux !
- j'entends bien mais à ce prix là il n'y avait rien d'autre à part vers...
- Vers la porte !
- Quoi vers la porte ? Elle est très bien votre porte en acajou que j'ai fait importé d'Honduras, je...
- Non ! JE vais vous fiche à la porte ! Cela suffit !
- Mais lâchez-moi ! Mes talons de mocassins ripent le sol et vont s'user !
- Allons donc ! Parce qu'en plus vous ne vous êtes pas déchaussé avant d'entrer !
- Je...
- Bah...
- Mais...
- D...
- Ga...
- Raaaah ! Cessez donc ! Allez, vous ne me servez plus à rien !
- Après tout ce que j'ai fait pour votre confort intérieur !
- Vous n'êtes pas un homme de goût pour les choses d'extérieur. Ouvrez la porte que je puisse vous congédier.
- Jamais !
- Ouvrez !
- La porte n'est pas fermée.
- ... C'est exact... Ouste !
- Ouille.
- Adieu.
- Attendez !
- Allons, ne bloquez pas la porte avec votre mocassin usagé.
- Regardez moi ! Ne regardez que moi... Maintenant pensez à votre pied droit, puis très vite à votre coude gauche, puis au prénom de votre tante, à la couleur de vos yeux, ceux de votre mère, aux pieds de votre cousin et ZOU vous dormez maintenant, voilà c'est fait. Vous vous réveillerez au premier mot que j'énoncerais.
- ...
- ...
- ...
- Verdict ?
- C'en est trop !
- Diantre !
- RRRAaaaaaaaAAAAAAh !
- Vous me faîtes peur !!
- AAAAaaaaa, c'est exactement ce que je recherchais ! Vous avez su lire en moi, monsieur le décorateur !
- Bah, je commence à vous connaître, ça fait 23 ans que je travaille à la décoration de votre maison.
- Déjà ? Le temps passe vite.
- Allons, oublions ce fâcheux incident. Aidez-moi à me relever mon ami.

mardi 7 septembre 2010

ils n'ont pas de garage


Ricky avait économisé pendant 35 ans, à l'ordre de 15, 659 euros par semaine paire, pour s'offrir le bijou de ses rêves : une rutilante motocyclette japonaise de huit cents centimètres cubes.
Il y a 35 ans, 3 mois, 2 jours, 8 heures, 34 minutes, 21 secondes, et deux battements d'ailes de mouche à merde, Ricky, les yeux rivés sur l'avenir, avait fait tout un panel de calculs, dans sa chambre du haut, pour déterminer le prix, à l'heure actuelle de sa "beauté", comme il aime à l'appeler. C'est en se basant sur le théorème de Poynting, que Ricky établit combien d'argent il devrait piquer dans le sac à main de sa mère, par semaine, sans se faire pincer, ni alerter les soupçons, afin de palper son Graal.
Suant comme un veau coincé dans une rame de métro, Ricky peinait à trouver l'erreur dans son équation quand soudain, tel un ouragan, sa mère, charmante au demeurant, hurla de la cuisine :

"A LA BOUFFE ESPÈCE DE RATÉ, TROUFION DE LAVETTE CASTRÉE ! JE TE LE RÉPÈTERAIS PAS 4 FOIS !"

Ricky tressaillit mais resta engoncé dans ses tourments mathématiques.
Sa mère avala les escaliers quatre à quatre, défonça la porte de la chambre et se rua sur Ricky. Elle bavait sur son nez quand elle lui tint à peut près ce langage :

"écoute moi bien balai à fiotte, continue à me chercher, et la somme de la variation d'énergie electromagnétique et de l'effet Joule divisé par la permittivité du vide à la racine de l'induction magnétique va te faire tâter de mon gourdin!"

Ricky, trempé, s'illumina d'un éternel éclat immaculé.

"Merci maman !"

Elle quitta la pièce, étonnée. C'était donc ça : L'effet Joule. Ce que Ricky avait négligé fut la clé de sa rédemption.

Revenons 35 ans plus tard. Ricky jubilait devant son bolide fraîchement livré. Elle était là dans le jardin sous les regards envieux des voisins. Ricky l'enfourcha. Déjà, il se sentait comme un easy rider. Maintenant, il devait passer au plan B. Celui qu'il avait préparé la semaine dernière. Ricky devrait à nouveau sévir, à l'ordre de 124, 124 euros par jour, toujours piqués du sac à maman, pour passer son permis. Il avait déjà pris rendez-vous à l'auto école, pour apprendre son code. Le moniteur attendait le premier versement depuis un moment.
Sa mère dormait profondément devant la première chaîne, quand Ricky commit son forfait. Il farfouillait dans le nouveau sac de sa mère. Mais soudain, il sentit une vive piqure. Il retira sa main du sac et vit un Cobra long comme trois baguettes de pains en sortir. La mère de Ricky bondit, ramassa le serpent et lui arracha la tête avec les dents.

"Je le savais ! 35 ans que j'avais des doutes et enfin je te tiens louche à merde !"

Ricky, une fois l'anti-poison administré, n'en mena pas large.
Sa mère, pour le punir, enferma la moto dans le van, et avala les clés.
Ricky a de la chance dans son malheur. Le van a des vitres. Il peut encore voir sa "beauté".

mercredi 1 septembre 2010

beauté intérieure


La décoration manquait de charme chez Josette. Voilà un moment qu'elle s'en était rendu compte.
C'était à une soirée organisée chez elle. Alors que les invités discutaient agréablement, la voisine de Josette fit remarquer que, dans l'ensemble, cette maison était d'un ennui à mourir. Josette, qui conversait de l'autre côté de la pièce, entendit la critique.
Le lendemain, elle réfléchit à la manière d'embellir son chez soi. Elle éplucha ses vieux magazines de décorations, et constata qu'une simple touche de fantaisie, peut rendre une pièce accueillante. Josette se souvint que sa belle-mère, avait l'habitude de poser un bouquet de fleurs sur le poste de télévision. Elle voulu faire de même. Mais le pot de fleurs ne cessait de glisser. Elle fit moult essais infructueux. Elle commença à s'énerver. Elle réalisa alors que la télé de sa belle-mère avait le sommet plat alors que la sienne suivait une pente de 13°. Josette fabriqua une cale pour compenser mais rien n'y fit. Car c'était maintenant le pot et la cale qui descendaient. Elle essaya de coller l'ensemble, puis de le clouer, de le visser, sans succès. Elle scia un cercle sur sa télévision, pour y incruster alors le pot. Mais celui-ci traversa le poste pour court-circuiter le tube cathodique. C'en était trop pour la fragile Josette.
Elle empoigna le pot, traversa furieusement la cour et sonna chez sa voisine. Lorsque la porte s'ouvrit, Josette abattit le pot de fleur sur le sommet du crâne de sa voisine.
Josette enjamba la dame pour constater que, finalement, chez elle, c'était pas mieux. Avant de partir, elle prit l'écran plat du salon, à côté duquel elle posa un magnifique bouquet synthétique.