samedi 11 septembre 2010

la dure loi du sport


Mise à l'amende par la World Curling Federation en 1983, l'équipe de curling du Brésil se doit de réagir.
On leur reproche surtout leur comportement sur le terrain.
Primo : de la glace, ils s'en accommodent très bien, et c'est tant mieux mais ils creusent, juste derrière le hack, un petit orifice capable de recevoir un cylindre imbibé d'alcool, plus communément appelé : bouteille de cachaça. Une petite lampée discrète après chaque point marqué ou raté n'a jamais foudroyé un joueur, ont-ils déclaré pour leur défense.
Secundo : après chaque point marqué, ils font quatre fois le tour des pistes en dansant et en jouant de la crécelle, torses nus, le maillot retourné sur les épaules, ce qui perturbe fortement les autres nations qui s'affrontent pour une place dans le tableau final. Le plus agaçant étant la glissade finale sur la piste, où ils prennent un malin plaisir à s'arrêter, pile dans "la maison", cette accumulation de cercles concentriques qui forment la cible, pour réaliser une pyramide humaine d'où, chacun leur tour, les joueurs brésiliens se jettent, puis glissade, plat ventre sur la piste, pour rejoindre la zone de lancé.
Tertio : ils vendent au public les grillades maisons qu'ils réalisent dans la salle des sports. La cause est justifiée, c'est pour payer un séjour en thalasso à leur mère à eux, parce que oui, dans l'équipe de curling du Brésil ils sont tous frères, certes, mais le curling est une science, et on est pas là, à la fête à neuneu.
Quatro : Sponsorisés par une célèbre boisson sucrée, ils ne cessent d'en déclamer le slogan à chaque instant de réflexion de l'équipe adversaire.
Cinquo : ils jouent à 5 au lieu de 4.
Sixo : ils leur arrivent de venir à une rencontre, deux jours après la date prévue.
Septo : ils griffent la piste en utilisant du matériel non-réglementé, un balai aux franges d'acier.
Huito : ils jouent avec des chaussures de foot.
Neufo, dixo, vingto, trento, la liste des reproches grimpe jusqu'au mille huit cent quatre vingt-tertio, donnant une image peu reluisante du curling outre-atlantique.
Dépitée, le Brésil disparaît pendant 5 ans.
C'est en 1988, que l'équipe du Brésil refait parler d'elle. Pour gommer son ancienne image de fanfaronne, elle arrive avec la ferme intention de la jouer sérieux. Pour cela, ils ont mis le paquet. Exit les à-côtés, ils se concentrent désormais sur le jeu dans sa plus profonde complexité, allant jusqu'à théoriser, écrire des essais et faire des conférences mondialement renommées sur ce sport. La WFC jubile et approuve leur réintroduction au sein de la compétition.
Leur premier match a lieu le 4 Octobre 1989. Tout le monde attend avec impatience l'arrivée sur la piste de cette équipe revenue d'outre tombe. Le silence tombe dans la salle du palais omnisport. Dans les vestiaires, les brésiliens se concertent une dernière fois, puis prennent le chemin des pistes de glace. Leurs ombrent, menaçantes, se dessinent sur la piste, tout le monde retient son souffle. Puis enfin ils se dévoilent, et la salle en reste bouche bée. Cette équipe, auparavant boudée et boutée hors des terrains, apparaît sous son meilleur jour, majestueuse, divine, dans un habit flamboyant, poilu, unique et renversant.
Les codes vestimentaires du curling auraient pu, ce jour, être à jamais bouleversés. Tout le monde était conquis. Le président de la WFC, était euphorique, prêt à rédiger de suite un nouvel article dans la sacro-sainte règle du curling concernant les obligations vestimentaires qui devraient se conformer au bon goût des brésiliens. Il était si heureux, il exaltait, il exaltait, il exaltait, puis du haut de ses 98 ans, exalta une dernière fois et tomba, raide mort, sur la carpette de son salon VIP.
Son successeur, un peu rétro sur les bord, fit stopper cette mascarade. Les brésiliens furent priés d'aller se changer, le public siffla un peu la décision, mais fit un triomphe à l'audace brésilienne.
Les matchs ont commencé dans une ambiance teintée de mélancolie. Puis la fièvre du sport a repris le dessus. Épique, la Russie remporta le trophée, et les brésiliens, grands perdants, rejoignirent leur mère patrie, anonymes aux yeux du sport.

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