vendredi 10 décembre 2010

tercet gagnant


La caravelle de Christophe Côlon lutta tant bien que mal contre une mer ténébreuse avec une houle courte et sauvage. Sous un orage à gouttes de plomb, l'artimon céda le premier, emmenant dans son sillage, la hune déchirée du grand mât. Côlon s'acharna à tirer son navire vers bâbord, mais une vague immense fouetta l'embarcation, et brisa les bras, faisant ainsi céder les vergues et plier le grand mât et le mât de misaine. Plusieurs marins périrent écrasés. Côlon, désarmé, fut saisi d'une crampe qui le scia en deux. Allongé sur le gaillard d'arrière, il aperçut alors, entre les gouttes, et illuminé par les éclairs qui rugissaient, un lopin de terre. Il donna un violent coup de pied dans son gouvernail qui fit obliquer la caravelle vers tribord. Une vague terrifiante frappa le bateau qui prit de la vitesse et vint se fracasser contre la berge.
Le lendemain, Christophe Côlon, courbaturé de partout, fouilla son navire à la recherche de survivants. Marchant sur le pont au bois trempé qui manquait de céder à chacun de ses pas, Côlon ne retrouva aucun membre de son équipage. Il essuya une larme en pensant à ses fiers compagnons engloutis par l'océan. Puis son ventre grogna, le ramenant à une réalité crue, celle de nourrir son homme.
Il posa pied à terre, et s'enfonça dans la forêt qui bordait la mer. Il sillonna les rangées d'arbres comme des rayons de supermarché. Cueillant tel fruit, coupant telle fleur, arrachant telle herbe. Mais à chaque fois, une pointe de déception pouvait se lire sur son visage. Car ce n'est pas du tout ce dont il avait envie en ce moment. En vérité, Christophe se serait bien tapé un bon rumsteck entouré d'une belle poignée de frites dorées. Il en salivait encore en retournant vers l'épave de sa caravelle. Épuisé par ses recherches, il s'endormit contre le bois.
En pleine nuit, il se réveilla, transi par un appétit féroce. Il se leva et marcha un peu au bord de l'eau. Soudain, une lumière attira son attention, qui provenait de sous l'océan. Irrésistiblement attiré, il pénétra dans l'eau glacée, pris une grande respiration et plongea. Il rejoignit en quelques brassées, le banc lumineux. C'était des algues planctoniques. Côlon, les caressa du plat de la main et leur douceur activa ses glandes salivaires. Guidé par une volonté inconnue, ou par la faim, il prit une poignée d'algues et les avala sans les mâcher. Une grande chaleur traversa son gosier pour atterrir dans son estomac. Il en mangea encore et encore, jusqu'à ce que l'air lui manque. Alors il remonta, le ventre plein. Sitôt qu'il sortit de l'eau, il fut saisi d'étourdissement, ses jambes se dérobèrent et il s'effondra sur la terre. Il se releva avec difficultés, quand il entendit derrière lui, quelques clapotis suspects. Il se retourna et découvrit un petit animal qui semblait émerger de l'eau.
Suivi de deux autres, ce petit animal, qui se révéla être un philosophe tenace fit la morale à Christophe, en lui expliquant que "des algues, tant et si bien qu'elles fussent comestibles, ne représentaient pas dans l'imagerie d'Épinal, un substitut du steak-frite. Et comme, l'on se doit de ne pas se baigner après avoir manger, l'on ne doit pas sortir de l'eau après y avoir mangé." Ensuite, il ajouta que "ses parents avaient encore beaucoup à faire concernant son éducation". Côlon écouta sans moufeter. Le petit animal l'acheva avec cette célèbre comptine à trois vers :

Côlon, Côlon, c'est pas gratifiant comme nom,
Quand on l'entend ça sonne mignon,
Mais quand on l'écrit ça fout l'bourdon!

Strophe qui fit beaucoup réfléchir Christophe. Puis, le petit animal retourna dans l'eau en pouffant de rire.
Le matin, Christophe remonta ses manches, abattit quelques arbres, construisit un radeau d'après ses souvenirs et navigua droit vers l'avenir.

3 commentaires:

  1. Riche vocabulaire marinesque

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  2. foutrer les escabeches .........moufler la palamphre
    sircouzer les bézéclandres ......... et que ca saute

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  3. Ah mais je suis pas tout seul????

    Souquez les artimuses!!!

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