mercredi 22 décembre 2010

histoire de la peinture (1) : mea culpa


Grünewald enfila son manteau et claqua la porte de l'appartement. En descendant l'escalier, il ne pouvait s'empêcher de pester contre sa bonne femme qui voulait qu'il arrête la peinture et lance sa franchise de resto-routes, un marché bien plus porteur en ce début de 16e siècle que des croûtes sans âme.
En ce mois de décembre 1510, la neige tomba en masse, recouvrant la totalité des rues de Mayence. Grünewald qui souhaitait faire un tour hors des sentiers battus observa avec effroi, des calèches et chariots stoppés net en travers de la route.
Résigné, il arpenta les rues, réfléchissant à une nouvelle composition picturale qui pourrait clouer le bec de sa mégère. Perdu dans ses pensées, Grünewald ne prêtait pas trop attention aux conditions dans lesquelles il évoluait. Plus il avançait, plus la couche de neige s'épaississait. Et bientôt, Grünewald se retrouva avec de la neige jusqu'au cou. Réalisant qu'il ne pourrait aller plus loin, il tenta de faire demi-tour. Mais il était pris au piège par la neige qui s'était consolidée et tombait à nouveau drue. La couche s'épaissit. De la neige s'infiltra dans son manteau, et bientôt, Grünewald fut complètement enseveli. Plongé dans l'obscurité, il commença à paniquer et des images mentales de sa funeste destinée le submergèrent. Quantité de larmes coulèrent le long de ses joues et la glace fondit à leur passage. Observant ce phénomène scientifique, il reprit espoir et se mit à penser aux évènements les plus tristes qu'il ait connu. Il pleura à flots, créant ainsi une petite cavité devant son visage qui lui permit de mieux respirer. Malheureusement, cela n'était pas suffisant pour le faire sortir de sa prison de glace. Il entonna alors une poignée de chansons graveleuses. Mais la fatigue le submergea, sa voix faiblit et le silence régna.
Grünewald se sentait partir quand des pas résonnèrent à la surface. Puis soudain, l'on se mit à gratter et la lumière percuta ses rétines congelées comme un coup de griffe. Grünewald fut remonté à la surface par Saint-Antoine qui avait entendu une voix de ténor émerger de la neige. Il discuta le bout de gras avec lui, et avant même d'être revenu chez lui, ils étaient devenu copains comme cochon et il connaissait tout de lui et de ses envies.
Plus tard, pour remercier Saint-Antoine, Grünewald se mit à peindre les tentations de ce dernier dans lesquels il injecta un peu de son vécu, piégé dans la neige pour rendre le tableau plus affriolant parce qu'en réalité, à part le chocolat, il n'y avait pas grand chose qui tentait Saint-Antoine.
Sa femme trouva que ça avait de la gueule, et elle abandonna son idée de resto-route.

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