mercredi 8 décembre 2010

un repas de gagné


Pour un résumé complet de l'épisode précédent, lire l'épisode précédent qui précède celui-ci.

La discussion qu'il avait surpris dans la cuisine l'aiguilla. Il en frissonna rien que d'y penser mais, la mexicaine avait dû abuser de lui. Après tout, elle n'arrêtait pas de lui faire du rentre dedans. Et vu qu'il ne répondait pas, elle avait du prendre l'initiative. Ce verre qu'elle lui avait offert au début devait contenir un puissant inhibiteur qui fit tomber toutes ses défenses. Tout en rasant les murs, il réfléchit à un moyen de lui faire avouer son acte et rejoignit la salle à manger où allait être servi le repas. Les invités, agités, tournaient autour d'une vingtaine de tables, en posant leurs nez dans les six assiettes que contenaient chaque table. Louis s'approcha d'une assiette et saisit le petit papier disposé à califourchon sur la faïence. Il lut le nom de John Malkochvilles. Un invité lut aussi par dessus son épaule et fit passer le mot à travers toute la pièce, et en une poignée de seconde, Mr. Malkochvilles fondit en sueur sur Louis en le remerciant de sa gratitude avec une poignée de main moite, et s'assit à sa place, soulagé. Louis continua à faire le tour des tables à la recherche de son étiquette. Soudain, un gong retenti, et une voie nasillarde clama que le repas allait être servi dans moins de vingt minutes. La tension grimpa d'un cran dans la salle. Les invités se mirent à courir dans tous les sens, saisissant des petits papiers, et hurlant le nom de son propriétaire.
Dix minutes plus tard, Louis cherchait encore sa place quand à l'autre bout de la pièce, il aperçut la maîtresse de maison lui faire des œillades vulgaires. Il détourna le regard et continua sa quête. Neuf minutes plus tard, il trouva sa place in extremis, alors que les plats de tartiflettes étaient disposés sur les tables. Il voulut boire une gorgée du verre de vin à moitié plein situé devant lui quand, le Duché de Hailsandgeuls, placé en tête de gondole, fit teinter son verre et récita un discours pompeux avant de s'offrir l'honneur de goûter en premier une portion de tartiflette. Il trempa sa louche dans le plat fumant. Dans l'excitation, Louis ne vit pas tout de suite qu'il était assis à côté de la mexicaine. Ce n'est que quand elle posa sa main sur son roudoudou qu'il mesura la gravité de la situation. Le fromage fila et tissa une toile jusque dans l'assiette du Duché. La mexicaine ouvrit la braguette de Louis. Le Duché reposa la louche, tâta avec sa fourchette la tenue des pommes de terre, puis plongea sa fourchette dans son assiette. La main de la mexicaine s'engouffra dans le pantalon de Louis qui tressaillit, n'osant bouger et interrompre la dégustation officielle. Le Duché ressortit sa fourchette, nappée de tartiflette qu'il fourra dans sa bouche. Il mastiqua un peu puis se figea. Son visage s'empourpra. Quelques invités, dans l'assistance, se levèrent effrayés. Louis en profita pour se lever aussi, et coincer la main glissée dans son pantalon. La mexicaine couina, et retira sa main, que Louis saisit au vol et trempa dans la tartiflette. Puis, pour achever son œuvre, il saisit le verre de vin à moitié plein et le jeta sur la robe de la maîtresse de maison.
- ça ne t'as pas suffit tout à l'heure? lui souffla-t-il
- Dé qué tou parle mone sévalier ? Demanda-t-elle, en essuyant sa robe avec la nappe. Mainténant jé dois allé mé néttoyer!
Elle s'éclipsa quand le Duché recracha violemment la tartiflette qu'il avait mâché.
- Mon dieu! Mais cette tartiflette a un goût d'huile de vidange!
Il se pencha sur la table, qui vacilla un peu sous le poids, et sentit le plat.
- Correction! C'est le reblochon pour être précis! Quel infamie! Que tout le monde s'aligne au fond de la salle!
Au mot "reblochon", Louis retrouva subitement la mémoire. La mexicaine dans le couloir, la cuisine, le lit de reblochon, l'odeur enivrante, la cuisinière qui rentrait subitement, la chute. Il sent ses mains qui dégagent un subtil mélange de 15w40 et de reblochon. Les tables se vident une à une. Louis, à son tour est emmené au fond de la salle. Aligné aux côtés des autres, il transpira à l'idée de se faire pincer pour avoir ruiner la journée du Duché. Le Duché d'ailleurs, commença son inspection en sentant les mains de chaque convive. Louis, mit ses mains derrière son dos, et écarta les doigts dans le fol espoir que l'odeur partira plus vite en agitant. Son tour approchait. Louis agitaient ses mains avec virulence. Puis soudain, il les glissa dans les poches arrière de son pantalon pour étouffer l'odeur. Au fond de la poche droite, il fit l'étonnante découverte d'un tube de gel hydro-alcoolique hygiénique et pratique pour la désinfection des mains à tout moment. Il en fit couler une noisette dans le creux de sa paume, et se frictionna les mains pour neutraliser les virus huilo-reblochonniques. Quand son tour arriva, il tendit fièrement ses mains, au Duché qui se pencha et renifla une odeur de rien. Une senteur de vide.
Soudain, la maîtresse de maison réapparut dans la salle, habillée d'un nouvelle robe. Étonnée de voir tout le monde aligné au fond, elle s'approcha.
- Qué Sé qui sé passe mone amour dé Douché?
- C'EST ELLE! Hurla Louis
Une rumeur gronda dans l'assistance.
- Que dites-vous là! C'est ma femme! s'exclama le Duché
- Oh ça, je le sais! Mais ce que vous ne savez pas, c'est que votre femme s'est éclipsée lorsque vous avez la trace d'huile dans la tartiflette! Et, je suis sûr que plusieurs invités ici, pourront en témoigner!
Une rasade de "oui c'est vrai je l'ai bien vu sur la vie de ma paire" s'éleva dans la salle.
- Et je suis sûr que ses mains sont fraîchement lavée! rajouta Louis.
Le Duché saisit une main de sa femme et la renifla. Son visage devint rouge écrevisse. Il rejeta la main.
- Qu'on bâillonne cette hérétique et qu'on l'attache à l'arrière de ma Harley!
Dans le jardin, le Duché fit vrombir son engin devant un attroupement de convives et partit traîner la mexicaine dans toute la contrée, pour lui apprendre la vie, sous les applaudissements.
Louis rentra à l'intérieur et s'assit à sa table. Il se servit une portion de tartiflette qu'il dégusta avec envie. Il ne détecta aucune odeur d'huile particulière et décida même d'en demander un tupperware à la cuisinière pour son repas de demain midi.

fin.

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