samedi 15 janvier 2011

à sec


Suite aux pressions incessantes de sa femme qui avait vu au journal télé les nombreux incendies de foyers, Charles poussa le caddie jusqu'au rayon bricolage de son hypermarché pour acquérir un détecteur de fumée. En traversant les allées, il angoissait face à la difficulté de choisir un modèle parmi un panel énorme, vu le tapage médiatique qui sévissait.
Un seul modèle gisait parmi les allume-barbecues, les campinguegaz, les brûleurs, bombes incendiaires, grenades, et cocktails molotov.
Revenu chez lui, Charles installa le détecteur dans la cuisine sous le regard étincelant de Jeanne, sa femme, qui pour fêter l'occasion, entreprit de faire une tournée de crêpes monumentale avec une poêle de piètre qualité qui enfuma, en quelques instants, toute la pièce, dépourvue de hotte aspirante. Le détecteur émit un son strident. Charles, des torchons enfoncés dans les oreilles et les dents serrées, débrancha l'appareil, le temps que la fumée se dissipe.
Les jours suivants, parce qu'il bippait au moindre pet de fumée imperceptible pour le commun des mortels, le détecteur migra dans toutes les pièces de la maison.
Devant l'intensité du signal sonore qui broyait ses oreilles à répétition, le jour comme la nuit, Charles voulut se débarrasser du détecteur, mais sa femme, effrayée par l'idée que la maison pourrait flamber, désira le garder près d'elle malgré les inconvénients.
Il installa donc l'appareil dans l'endroit où lui et sa femme passaient le moins de temps possible, et où donc le détecteur serait le moins susceptible de sonner, aux toilettes. Un vent de sérénité souffla dans leur demeure.
Trois mois plus tard, le détecteur sonna à nouveau, en pleine nuit. Sans raison apparente. Charles et Jeanne sortirent en trombe de la maison et appelèrent, paniqués, les pompiers qui débarquèrent avec un paquet de piles. Ils enfoncèrent la porte de la maison et pénétrèrent à l'intérieur. Charles et Jeanne attendirent patiemment à l'extérieur. Soudain, l'alarme du détecteur se tue. Les pompiers ressortirent, et expliquèrent à Charles et Jeanne que l'appareil avait juste les batteries à plat. Rien d'autre, ils avaient l'habitude, boulot de con. Charles et Jeanne demandèrent si c'était là, tout ce qu'ils pouvaient faire pour eux. Alors, histoire de dire qu'ils n'étaient pas venus pour rien, ils aspergèrent d'eau toute la baraque.
Charles et Jeanne les remercièrent timidement, et retournèrent se coucher dans leurs draps trempés, mais dans un silence divin.

1 commentaire:

  1. Pas une bonne idée les toilettes, pas une bonne idée...............

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