mercredi 23 mars 2011

l'ininsécurité

Depuis quelques temps, des vols de surgelés avaient lieu à répétition dans le magasin de la célèbre enseigne Geltout, rue Caillemiche dans le 43e district d’Aulnay sous bois.
La tête de Maillecky, agent de sécurité du magasin, était sur le billot du patron qui lui avait donné un ultime répit pour mettre un terme au pillage.
Après une nouvelle journée infructueuse où quatre paquets de frites, huit assortiments de glaces choco-vanille et des tourtes forestières avaient deserté, Maillecky rentra chez lui et s’effondra dans le canapé libidineux de son salon., réfléchissant en vain au moyen d'accroitre son potentiel de surveillance. Il alluma son poste transistor pour écouter son habituel “jeu des huit euros”. Mais en lieu et place, se tenait un bulletin météo particulièrement bref et alarmant.

"Demain, de 10h15 à 10h32 un nuage radioactif survolera la majeure partie du pays sous un soleil radieux. Veuillez rester enfermer pour éviter toute mutation intempestive."

Puis la radio se tut. Dans la rue, une rumeur se mit à gronder. La panique sévissait. La population courait dans tous les sens, les volets claquèrent, les portes se fermèrent. En un instant, la rue fut déserte, silencieuse.
De la radioactivité, Maillecky n’en connaissait que les effets néfastes qui consistaient à développer sur les personnes contaminées, des aberrances physiques allant de la tête à trois corps aux doigts à six phalanges, en passant par l’homme au cerveau électrique et l’homme mouche au millier d’yeux...
Durant une poussière de seconde, les terminaisons nerveuses de Maillecky firent résonner dans sa tête cette dernière remarque. Une étincelle brilla alors dans son fond d’œil. Aux milliers d’yeux qui lui permettraient, à lui, Maillecky de repérer ces saligots de chipeurs de surgelés!


Le lendemain, à 10h14, alors que tout le personnel de Geltout se cloitrait dans la salle des coffres du magasin, Maillecky s'éclipsa en douce, et sortit pour affronter le nuage qui s’avançait. A 10h15 et 34 secondes, Maillecky expulsa l’air propre de ses poumons pour inspirer à bloc, l’air contaminé. Pendant les 17 minutes de traversée radioactive, il inspira, expira à plusieurs reprises pour maximiser ses chances de mutation, en pensant fortement aux milliers d’yeux et aussi à une douzaine d’oreilles, pour capter le moindre craquement de paquet surgelé glissé sous un manteau. Les oreilles, il y avait pensé dans la nuit. Une fois le nuage passé, il retourna dans le magasin et se glissa comme un anguille dans le personnel qui sortait de la salle des coffres.
Pendant la pose de midi, Maillecky fut prit de violentes douleurs intestinales. Il fila s’enfermer dans les toilettes où il convulsa un bon moment avant de s’évanouir. Lorsqu’il se réveilla, il se gratta la tête et palpa une méchante bosse. Dans le miroir des wc, blanc comme un mort, il constata qu’il avait, non pas un hématome, mais trois paires d’yeux supplémentaires, cachées dans son cuir chevelu. Il ferma ses yeux de devant et vit derrière lui avec une clarté sans précédent. Il se tâta tout le corps et fut légèrement déçu de ne pas découvrir d’autres oreilles.
De retour à son poste, Maillecky avait les sens en alerte. Et dans l’après-midi, il repéra un groupe de cinq jeunes se dispersant avec méthode dans le magasin.
Il se posta au croisement stratégique des rayons cônes de glaces et poissons frais pour avoir une vue d’ensemble, et activa ses facultés oculaires. En un tour de globe, et au même instant, il vit, aux cinq coins du magasin, les malfaisants perpétrer leurs forfaits. Ni une, ni deux, Maillecky fondit sur le premier et lui brisa les cervicales. Le corps du voyou commençait à peine à s’effondrer qu’il partit dans la direction de son 5è œil gauche pour enfoncer la tête du second brigand dans un paquet de chouquettes congelées qu’il avait enfilé dans son pantalon. Sa nouvelle paire d’oreilles, qui avait poussé entretemps, capta les pas agités des trois derniers jeunes qui se dirigeaient ensemble vers la sortie. Maillecky les devança et se posta de dos devant la porte. Les jeunes s’approchèrent de lui sans rien suspecter. Puis soudain, les tenant à sa portée, Maillecky écarta ses cheveux pour révéler ses yeux vigilants, les jeunes eurent à peine le temps d’étouffer un cri, qu’il leur colla son talon dans les gencives.
Plus tard son patron le félicita et lui accorda une augmentation de 10 euros sur sa paye. Maillecky fit la une de tous les journaux avec la légende suivante : "Le nucléaire contre l’insécurité".

Aujourd’hui, Maillecky est vigile suprême de la chaîne Geltout. Il surveille à lui seul, l’ensemble des magasins de France et d’étranger. Vous pouvez le voir au Geltout d’Aulnay sous bois, son fief, son chez lui aussi, car il ne peut plus se déplacer. Ses mille-huit cents paires d’yeux et ses quarante-quatre paires d’oreilles l’ont fixé au sol du magasin. Il a la forme d’un dôme de 14 mètres de diamètre. Il est heureux car il fait bien son boulot.

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